par Anne R.
En ce mois de février 2014, la Russie sera sous les projecteurs des caméras du monde entier, pour un évènement qui généralement met à l’honneur le pays hôte. En effet, du 7 au 23 février 2014 se dérouleront les XXIIe Jeux Olympiques d’hiver, à Sotchi, aux confins méridionaux de la Russie. Toutefois à l’approche de la fête, les médias occidentaux se font les critiques acerbes du régime politique russe et des conditions de réalisation du chantier des jeux. L’enjeu de la fête pour Poutine et la Russie relève du prestige et du symbolisme. Mais les fins justifient-elles les moyens ?
Olympiada Vladimirovna
« Olympiada Vladimirovna », comme une femme portant le prénom Olympiade et le prénom patronymique Vladimir, telle est la manière dont les Russes personnifient les JO de Sotchi. Il n’échappe à personne que les jeux sont le projet de Vladimir Poutine. Il s’agit en effet d’un projet très identitaire et très personnel du dirigeant. Ce phénomène n’est, toutefois, pas propre aux régimes autoritaires, les régimes démocratiques en usent aussi, à l’instar des grands projets d’architecture et d’urbanisme de Mitterrand.
La libération de certaines personnalités et considérées comme des prisonniers politiques par l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme en Russie et ailleurs dans le monde confirme l’importance qu’accorde Vladimir Poutine à ces jeux olympiques. Les deux membres du groupe punk féministe Pussy Riot, les trente membres de l’équipage du navire Arctic Sunrise de Greenpeace ont été libérés opportunément à quelques semaines de l’ouverture des JO. De même, Mikhaïl Khodorkovski, l’oligarque russe appelé « le prisonnier personnel de Poutine » a été libéré le 20 décembre 2013, suite à une négociation engagée avec l’Allemagne1, dans laquelle l’enjeu des olympiades apparaît au premier plan.
Au-delà de la glorification de l’effort et du plaidoyer de l’amitié entre les nations, l’attribution de ces jeux à un pays hôte n’est pour autant pas dénué d’enjeux géopolitiques et de puissance. De manière constante s’agissant de sa politique extérieure, Vladimir Poutine cherche à restaurer la puissance russe sur la scène internationale, promouvoir le multilatéralisme dans la gestion des affaires mondiales, multilatéralisme que la Russie pourrait grandement contribuer à façonner. Tel est le sens de sa doctrine diplomatique et militaire, rédigé dès 2000 dans le document Concept de sécurité nationale2. Il est ainsi dit que la Russie doit « aider à façonner l’idéologie derrière l’émergence d’un monde multipolaire« , tandis que sont dénoncées « les tentatives de créer une structure de relations internationales fondée sur la domination des pays occidentaux sur la communauté internationale, sous leadership américain, et conçue pour des solutions unilatérale« .
L’instauration d’un multilatéralisme tel que souhaité par la Russie a commencé avec la guerre de Géorgie déclenchée en 2008 par la Russie, suite à des escarmouches entre les deux pays, et des provocations de la Géorgie. Ce retour de la Russie s’est manifesté après des actions internationales vécues comme une manifestation de l’unilatéralisme occidental des années 2000, notamment dans la gestion des crises des Balkans, la reconnaissance du Kosovo, la guerre contre la Serbie, la guerre en Irak, qui ont touché des partenaires de la Russie, et pour lesquels cette dernière s’est montrée impuissante à contrer les décisions occidentales. De la guerre avec la Géorgie aux positions de fermeté s’agissant de la Syrie ou de l’Ukraine, autres partenaires traditionnels de la Russie, la doctrine est ainsi appliquée au grand dam des Occidentaux. Ainsi, l’organisation des JO de Sotchi participe à cette ambition de restaurer l’aura de la Russie.
L’organisation de cet évènement mondial et la venue des chefs d’Etat à Sotchi, au coeur du Caucase du Nord permettra, en outre, la légitimation de toute la politique du Kremlin dans cette région. Au premier chef, la politique de pacification en Tchétchénie menée depuis la fin de la deuxième guerre (1999-2009), avait reçu des critiques de la part des chancelleries étrangères. La gestion de cette province méridionale constitue un des freins à son retour sur la scène diplomatique mondiale3.
Ainsi, en juillet 2007, Poutine déclarait ainsi : « Je peux le dire en toute certitude : si nous n’avions pas pu rétablir l’intégrité territoriale du pays, si nous n’avions pas arrêté les conflits dans le Caucase comme il y a cinq – sept ans, si nous n’avions pas changé fondamentalement la situation économique, si nous n’avions pas résolu un certain nombre de problèmes sociaux, alors nous n’aurions jamais obtenu ces Jeux Olympiques« 4. Il présente de cette manière le choix du Comité international olympique comme un banc-seing de sa politique dans le Caucase et comme une reconnaissance du statut de grande puissance retrouvé.
Sur le plan intérieur plus généralement, c’est aussi l’occasion pour Vladimir Poutine de démontrer qu’il a les choses en mains, après une réélection contestée à l’hiver 2011-20125.Selon Thomas Gomart6, Vladimir Poutine se moque du jugement des occidentaux sur sa politique. Il se juge à la hauteur de sa propre lecture de l’histoire russe et se compare aux grands monarques qu’étaient Pierre le Grand, Catherine II, Brejnev ou encore Gorbatchev. Il souhaite influer sur la génération Poutine et restaurer son pays qui était au plus bas, suite à la grande crise de 1998, et placé au ban des nations civilisées. Cette volonté de grandeur se traduit dans la communication autour de l’évènement7.
L’investissement de Poutine dans la défense de cette candidature, les entretiens personnels avec chacun des membres du CIO, les promesses de contrat pour les entreprises autrichiennes8 alors que Salzbourg était en compétition, et son discours en anglais mâtiné de français à Guatemala City lors de la 119e session du CIO, le 4 juillet 2007 ont fait penché la balance en faveur de Sotchi. La décision a été accueillie par la joie des Russes et une foule en liesse sur la place du Kremlin…
Un projet prométhéen
Lors de la présentation des candidatures au CIO, le projet de Sotchi se référait à la légende de Prométhée, qui ayant provoqué la colère de Zeus, s’est trouvé enchaîné à la montagne du Caucase9. La légende est parfois interprétée comme la punition d’un homme qui a voulu se mesurer aux Dieux. Cette interprétation prend tout son sens lorsque l’on considère le projet de Poutine de monter cet évènement de classe mondiale sur ce site particulier contraint par la géographie et l’absence d’infrastructures adéquates.
Sotchi, rare ville ouverte aux étrangers à l’époque soviétique, aux côtés de Moscou, Léningrad, Stalingrad, Odessa, Kiev, le canal Volga-Don, un kholkoze exemplaire et les usines automobiles du nom de Staline. C’est la ville du repos des dignitaires de Staline à Brejnev et jusqu’à Poutine. Développée à partir des années 1920, elle est devenue la station thermale synonyme de « Riviera soviétique » parmi les rares lieux de loisirs que comptaient l’URSS à cette époque10.
Même si le choix de Sotchi par les autorités russes s’inscrit dans le passé récent, puisque les premières candidatures de Sotchi comme ville hôte des JO a été faite dès 1989 sous l’URSS, puis de nouveau en 1993 et une nouvelle fois en 200211, il n’est pas anodin. La cité balnéaire représente une des villes les plus chaudes, dans une région marquée par un microclimat subtropical, dans ce pays connu par ailleurs pour ses hivers rigoureux et longs. Le profil climatique de la région n’est donc pas des plus propices.
De plus, les bâtisseurs olympiques sont confrontés à une géographie capricieuse. La capacité de la ville et la topographie induisent des limites objectives, la zone est enclavée entre mer et montagne, le site n’est donc pas extensible. A seulement 50 km du littoral, les contreforts du Caucase occidental atteignent des altitudes de 2 000 à plus de 3 300 mètres. De plus, la ville peuplée de 400 000 habitants est déjà saturée, du point de vue des transports, de l’approvisionnement en eau, en électricité, de la gestion des eaux usées. La région est, en outre, marécageuse. Même Staline qui s’est penché sur le développement de Sotchi dès le début XXe siècle et qui ne reculait pas devant les grands travaux, quitte a faire travailler les zeks dans des conditions inhumaines, a renoncé à un projet urbanistique sur les marais de la vallée Imeretinskaïa. Mais pour Poutine ceci ne constitue plus un frein. C’est sur cet espace quelque peu plus large du côté d’Adler, que sera construit le village olympique.
En outre, presque aucune infrastructure est préexistante, le domaine skiable ne comporte qu’une seule remontée mécanique. Une route unique menait au parc naturel. Tout est à construire de zéro. La construction de près de 400 objets olympiques, le développement du réseau routier et des voies de chemin de fer, l’augmentation des capacités de fourniture d’électricité, l’amélioration de l’aéroport existant, le remplacement de la fourniture d’eau et du traitement des eaux usées sont les tâches incontournables du projet.
Un déficit démocratique
Le chantier de construction ne s’est pas déroulé dans des conditions des plus démocratiques. Le maire de Sotchi qui a chapeauté tous ces travaux, Anatoli Pakhomov, s’est fait élire dans des conditions plus que troublées12. Même si le Président de l’époque Dmitri Medvedev a qualifié la campagne de « véritable bataille politique », qui contribue au développement de la démocratie russe, les journalistes étrangers étaient effarés du manque de débat, de tracts, d’affiches. Six candidats étaient finalement autorisés à concourir sur les vingt prétendants, plus ou moins sérieux. Certains employés d’entreprises, représentant près de 3 % du corps électoral, ont été contraint à un vote anticipé plusieurs jours avant la date du vote, et ont voté sous le regard de leur hiérarchie et des officiels russes13. Des ressortissants d’Abkhazie, région séparatiste de Géorgie, reconnue indépendante par la Russie, ont également participé au vote. Arrivé au bureau de vote, certains électeurs se sont rendus compte que leur vote avait déjà été comptabilisé. Le candidat sérieux de l’opposition, Boris Nemtsov a été accusé d’être financé de l’étranger, par les Etats-Unis. Il a été victime de l’agression de trois inconnus qui l’ont aspergé d’ammoniac. Ses tracts de campagne ont été saisis par la police, avant leur distribution. Une journaliste voulant l’interviewer a reçu des menaces. L’opposant a dénoncé les infractions commises durant cette élection mais il a été débouté dans son procès devant les tribunaux locaux14. Anatoli Pakhomov, candidat soutenu par le parti du pouvoir Russie Unie a ainsi obtenu 77 % des voix.
S’agissant de la liberté d’expression, les pratiques ne sont pas des plus vertueuses. Peu d’informations sur les dégâts économiques, écologiques et humains ne transparaissent dans la presse officielle. Les journaux locaux ne résistent pas à l’omerta imposée par les autorités locales. Les journalistes de la télévision ne se déplacent même plus, sachant pertinemment que leur reportage ne sera pas diffusé15. Les autorités russes cherchent en vain à étouffer les faits de corruption qui transpirent de toute part. En novembre 2013, on apprend à travers la presse que les officiels russes cherchent à empêcher la sortie d’un documentaire sur la corruption de la réalisatrice Simone Baumann en tentant de la soudoyer16. Mais les informations filtrent grâce aux blogueurs et aux activistes. Les informations circulent principalement sur internet, grâce à des activistes de tout poil. Et à quelques mois de l’évènement, les tares du grand projet font les choux gras de la presse occidentale.
51 milliards de dollars
12 milliards de dollars est le budget annoncé par Vladimir Poutine en 2007 à Guatemala City. 51 milliards de dollars estiment Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk pour le montant des travaux en mars 201317. 45,8 milliards de dollars estime, pour sa part, l’opposant médiatisé lors des manifestations de l’hiver 2012012 et champion anti-corruption, Alexei Navalny18. De ce budget global : 25,1 milliards de dollars auraient été financés par le budget fédéral, 1 milliard de dollars par la région du Kouban, 10,5 milliards de dollars par des compagnies d’Etat, 7,6 milliards de dollars proviennent des financements accordés par la Banque d’Etat du commerce extérieur à des entrepreneurs privés et 1,6 milliard de dollars reviennent directement aux investisseurs privés. Selon ce décompte, près de 97 % de la facture revient aux finances publiques.
Les chiffres sont vertigineux. Les comparaisons avec les budgets des précédents JO d’hiver font depuis quelques mois le tour de la presse internationale. Pour justifier ce budget colossal, le Premier Ministre, Dmitri Medvedev expliquait en décembre 2013 que « Sotchi a toujours été vue comme la station balnéaire la plus importante. Or, ces derniers temps, le niveau de confort et de qualité de prestation y est devenu presque moyen. C’en était presque gênant. Aujourd’hui Sotchi compte une chaîne d’hôtel acceptable, des espaces sportifs et de bien-être, une infrastructure touristique, un chemin de fer qui mène en montagne, tout ceci ne seraient jamais construits sans les JO« 19. Le Président du CIO, Thomas Bach concorde avec cette analyse : « Nous sommes pleinement confiant sur le fait que les Jeux seront d’un niveau fantastique » et « Sotchi et la région entière a réussi un cheminement de développement très important et avec succès. Nous avons été réellement impressionné par ce parcours« 20. Pour sa part, Dmitri Kozak, vice-premier ministre et responsable de la préparation des JO, explique que seuls 6 milliards de dollars payés à 50/50 par l’Etat et par les investisseurs sont allés dans la préparation des JO mêmes et que 15 milliards de dollars ont concerné le financement des infrastructures et le développement économique de la région. Toujours selon lui, ces investissements auraient eu lieu même sans les jeux21.
Mais de nombreuses voix critiques dénoncent la corruption comme premier facteur explicatif de ce dérapage. Le doctorant Alexandre Sokolov22 rappelle que le coût de la construction des infrastructures de Sotchi dépassent les 50 milliards de dollars, tandis que les jeux olympiques d’été de Pékin (2008) ont coûté selon les chiffres officiels 43 milliards de dollars, ceux d’été de Londres (2012) ont coûté 15,39 milliards de dollars et les jeux d’hiver de Vancouver (2010) 6,08 milliards de dollars. Il est un des premiers à avoir analysé le coût comparé de la construction des infrastructures. A titre d’exemple, le stade olympique Fisht de Sotchi, d’une capacité de 40 000 places revient à un coût de 17 300 dollars par spectateurs, tandis que les infrastructures similaires ont coûté 1 580 dollars par spectateur à Salt Lake City (JO 2002) ou 5 700 dollars par spectateur à Pékin (JO 2008). Le plus cher hormis Sotchi revient à Vancouver (JO 2010) avec un coût de 14 910 dollars par spectateur.
Boris Nemtsov, ancien ministre de l’époque eltsinienne, actuel opposant au président en exercice, leader du parti RPR-Parnas, et orginaire de la ville de Sotchi a publié avec Leonid Martynyuk un dossier à charge, prenant la mesure de la corruption qui a prévalu dans la tenue des travaux d’aménagement à Sotchi, et incriminant directement des oligarques proches de Poutine23. Selon ces auteurs, le coût des constructions s’avère environ 2,5 fois plus important que pour la construction d’infrastructures similaires. Sur les 50 milliards du coût total, ils estiment à 25-30 milliards de dollars le vol pur et simple. Ce montant correspond aux pots-de-vin moyens dans tout projet industriel en Russie.
Des exemples des dérives budgétaires font légion dans la presse internationale. La route combinée chemin de fer / autoroute entre Adler et Krasnaïa Poliana représente le projet le plus coûteux. Son budget a grimpé jusqu’à 8,7 milliards de dollars, soit un montant supérieur au financement de la NASA pour la fourniture et la maintenance d’une nouvelle générations de rovers martiens. Même si la réalisation apparaît très moderne et a demandé une ingénierie poussée, le trajet ne fait pourtant que 48,2 kilomètres. Le coût s’est élevé ainsi à 4 millions d’euros le kilomètre, alors qu’un projet ambitieux comme la construction du pipeline sous la mer baltique, n’a coûté que 3,6 millions d’euros le kilomètre. Ce dernier coût avait été estimé trois fois supérieur à la norme européenne24. Aucune dépense n’a été épargnée pour construire malgré les avaries. Lorsque la route pour monter à Krasnaïa Poliana n’était pas terminée, le béton servant à la construction des remontées mécaniques était livré en hélicoptère25.
En 2009, des députés de la douma ont tenté de faire passer une loi pour mener un contrôle financier de la compagnie d’Etat créée pour l’organisation des jeux, Olympstroï, préconisant un audit financier, une évaluation de la rentabilité à long terme, et la supervision des dépenses. Mais la Douma contrôlée par le parti du pouvoir Russie unie n’a pas permis l’adoption de cette loi. Un compromis a cependant été passé et la Chambre des comptes, organe d’Etat qui a la compétence pour les questions financières relatives aux entreprises d’Etat doit établir un rapport qui ne sera pas rendu public. Début 2013, dans le cadre de sa comptabilité annuelle, La chambre des comptes a accusé Olympstroï de surcouts injustifiés de 15,5 milliards de roubles. L’entreprise d’Etat a expliqué ces surcouts par des décisions additionnelles d’ordre technique ou structurelle de la part du CIO et d’autres parties prenantes.
Et les shadoks pompaient…
Cette gabegie s’explique par la nécessité de tout construire ex nihilo, par la corruption, mais aussi par l’incompétence des maîtres d’oeuvre. La construction du complexe de saut à ski « Les collines russes » pourrait être emblématique du gâchis causé par le manque d’études préalables et l’incompétence. Sans étude géologique préalable, et malgré les informations fournies par les résidents locaux, le saut à ski a été construit sur une zone non propice. De plus, l’arrachage massif des arbres alentours a conduit à des glissements de terrain. Au printemps 2012, des tonnes de terre se sont éboulées sur le chantier de construction du complexe. Comme résultat, la construction du saut à ski a accusé un retard de 2 ans, et son budget est passé de 40 millions de dollars à 265 millions de dollars. Lors d’une inspection à un an des JO, Vladimir Poutine n’a pas caché son mécontentement. Devant les caméras, il a rudoyé Dmitri Kozak : « Bravo ! Tu as fait du bon travail !« 26 avant de s’enquérir du nom du responsable du chantier. Ce dernier, Akhmed Bilalov a été démi de ses fonctions dès le lendemain27. Une affaire de justice pour abus de position comme chef d’une compagnie d’Etat a été ouverte contre lui. Depuis, il a fui à Londres. Et en avril 2013, il accuse Poutine de l’avoir fait empoisonné au mercure28.
Le port de fret installé sur la zone côtière a, de la même manière, pâti de l’impéritie des autorités. D’après le programme de construction officiel29, le port de fret Sotchi-Imeretinski était prévu pour recevoir les matériels de construction du chantier, soit 15 à 20 millions de tonnes de marchandises. Construit sans prise en compte des conditions climatiques, il a été totalement dévasté par une tempête de force 7 en décembre 200930, occasionnant près de 500 millions de roubles de dégâts31. Il a ainsi accusé un retard dans la construction de 2 ans. Achevé en juin 2012, il a nécessité un budget final fortement en hausse à 9,3 milliards de roubles32. L’acheminement des marchandises a finalement été reporté sur d’autres modes de transport33. Le port de fret doit être reconverti en marina pour yachts après les jeux, le budget total de ces travaux devraient atteindre 23 milliards de roubles.
Et le résultat à deux semaines de l’ouverture des jeux, les photos de l’intérieur du parc olympique dans la plaine Imeretinskaïa sont éloquentes34. Huit jours avant la cérémonie d’ouverture, tous les travaux ne sont pas terminés35.
Des dégâts environnementaux
Entre mer et montagne, la région de Sotchi se distingue aussi par la qualité et la spécificité de son écosystème. Dès 1983, le parc naturel de Sotchi est créé afin de protéger la grande variété de flore et de faune endémiques. Tandis que la réserve de biosphère du Caucase du Nord est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1999 précisément en raison de ces critères naturels et de la conservation de la diversité biologique qu’elle renferme36.
Dès 2006, avant même le choix final du CIO de la ville hôte de ces olympiades, des écologistes locaux alertent l’opinion sur les risques environnementaux du projet37. Ils s’inquiètent notamment des modifications de la législation s’agissant de la protection des réserves naturelles. L’évaluation de l’impact environnemental préalable à la mise en oeuvre de tout projet urbanistique et industriel est supprimé. Les ONG environnementales sont, en outre, exclues des discussions autour de ces projets. Le plan de développement de la ville de Sotchi n’est pas discuté publiquement tandis que le tracé des frontières du parc naturel et l’interdiction des constructions en son sein sont remis en question.
Leurs inquiétudes s’avéreront malheureusement justifiées. La loi n°310 du 1er décembre 2007 a modifié la législation s’agissant des parcs naturels. Alors que jusqu’à cette date, il était interdit de construire dans ses limites, des pistes et des remontées mécaniques sont aménagées sur la crête de Psekhako, au milieu de la réserve naturelle du Caucase. Des hectares d’arbres endogènes protégés ont été arrachés à cette occasion38. Vladimir Poutine et certains oligarques proches ont construit leur dacha précisément dans cette zone. Le 30 novembre 2011, une loi inspirée par Poutine a rendu désormais légales de telles constructions au sein d’une réserve naturelle. Sur le littoral, les dégâts sont considérables également. La côte de la plaine Imeretinskaïa restait une des dernières plages naturelles de la région. Les constructions massives l’ont totalement transfigurée. Les amphibiens et les oiseaux migrateurs, habitants naturels des marais de Colchide ont simplement disparus. Plusieurs espèces classées dans le Livre rouge de l’Union internationale pour la protection de la nature, ayant le statut d’observateur à l’ONU, ont été saccagées et éliminées lors de la construction du village olympique dans la plaine Imeretinskaïa. Les terres arables qui supportaient trois cultures par an ont été définitivement polluées. C’est aussi une réserve ornithologique qui réunit plus de 100 espèces qui a été perturbée et les oiseaux migrateurs n’y viennent plus nicher.
La construction de la route combinée Adler-Krasnaya Poliana a également engendré de nombreuses pollutions. Tout d’abord, le débit de cette rivière a été réduit jusqu’à 50% voir 70% à certains endroits. Or, la Mzymta est capricieuse et connaît des crues régulières. De plus, l’arrachage des arbres sur ses rives, utiles pour piéger l’humidité, aggrave la situation. Ainsi, à plusieurs reprises, le chantier et les installations en aval ont été inondés. Le creusement des tunnels dans la roche a fait affleurer des substrats toxiques tels que le mercure et l’uranium et d’autres métaux nocifs qui se retrouvent dans les eaux de la rivière. Or, la Mzymta servait à approvisionner la moitié de la ville en eau potable. Mais du fait des pollutions massives dues au chantier, ses eaux ne peuvent plus servir aux habitants. Les poissons ne peuvent plus y vivre, et la modification des températures créées par ces infrastructures compromettent également la végétation sur ses rives et plus en hauteur. L’académicien Sergueï Volkov, ancien expert travaillant auprès d’Olympstroï, avait prévenu de ces dégâts potentiels dans une lettre ouverte au président Medvedev au début 201039. Menacé de poursuites judiciaires, il a depuis quitté le pays et s’est réfugié en Ukraine. Ses prévisions se sont, malheureusement réalisées.
La pollution des écosystèmes se produit également sur d’autres plans. Le slogan officiel de la compagnie Olympstroï est « zéro déchets » et respect des « standards environnementaux ». Pourtant, en septembre 2010, la Cour des comptes russe publie le rapport de Mikhaïl Oudinstov qui expose que la ville de Sotchi fait face à un énorme problème de gestion des déchets40. D’après ce document, il n’existe aucune décharge légale dans la région, et les eaux usées sont déversées sans traitement dans la mer Noire. En 2011, les journalistes qui se rendent sur place font pourtant état des désagréments que subit la population locale, à commencer par l’odeur pestilentielle41. Le village de Akhshtyr figure au nombre des victimes de l’entassement des déchets. En juillet 2013, le Vice-Premier ministre Dmitri Kozak a choisi ce village de 200 habitants comme site des décharges pour les déchets des chantiers et les terres extraites de tous les coins de la région. Malgré les protestations des écologistes et des populations locales, et malgré l’appui du représentant local du Ministère de la protection de la nature, la société de construction des chemins de fer russes (RJD) et Dmitri Kozak ont rejeté le arguments d’un revers de la main42.
Une gestion inhumaine
Le chantier olympique se caractérise également par des abus auprès des résidents et des travailleurs. La loi fédérale n°310 adoptée le 1er décembre 2007, communément appelée loi olympique, libéralise les règles d’urbanisme et facilite les expropriations. En conséquence des milliers de logements des habitants de Sotchi sont détruits pour faire de la place aux bâtiments olympiques. Près de 2 300 logements sont touchées par les expropriations, notamment dans la région de Adler et dans les villages de montagne. Les statistiques officielles du district de Krasnodar mentionne le versement de 21,5 milliards de roubles de compensation financière43. Mais les associations des droits de l’homme44 et de nombreux témoignages indiquent que le processus de relogement ou de compensation n’a été ni équitable, ni transparent. Beaucoup de personnes se considèrent largement lésées. Des évictions ont été forcées. Les résidents en viennent à mener à plusieurs reprises des manifestations allant même jusqu’à Moscou en 2009 pour faire entendre leur voix45.
Corruption et gabegie pour les autorités publiques et les entrepreneurs, mais exploitation et salaires de misère, s’il y en a, pour les travailleurs. Human Rights Watch a publié un rapport de 67 pages en février 2013 présentant les mauvaises conditions pour les travailleurs migrants très souvent issus des républiques d’Asie Centrale46. Le rapport dénonce ainsi certaines pratiques des employeurs telles que le non paiement des salaires ou un retard excessif dans leur paiement. Certains d’entre eux récupèrent le passeport et le permis de travail de ces migrants afin de les contraindre à revenir sur le chantier alors que le paiement de leurs salaires accuse un retard important. Les conditions de vie des travailleurs sont aussi scandaleuses : surpopulation des baraquements et nourriture médiocre. Si les travailleurs dénoncent ces conditions, il est arrivé des cas où les employeurs peu scrupuleux appellent les autorités pour dénoncer des travailleurs illégaux, puisque leur passeport leur a été retiré, et ces derniers sont reconduits à la frontière sans paiement du salaire47.
Un défi sécuritaire
Corruption, déficit démocratique, dégâts environnementaux, gestion inhumaine de la population ne sont pas les seules tares du chantier. La tenue des JO en plein Caucase du Nord présente des risques sécuritaires. En effet, Krasnaya Poliana, site montagnard des JO, est l’endroit exact de la dernière bataille des troupes de l’Empire russe contre les peuples caucasiens qui s’est déroulé en 1864. C’est aussi la région de peuplement originel des Oubykhs. Suite à cette défaite, ce peuple d’à peu près 50 000 personnes a été rayé de la carte au sens strict puisque les cartes russes des nationalités n’y font plus mention, et au sens figuré puisqu’une grande partie de la population a péri lors de ces batailles, une autre partie a émigré sur des navires de fortune vers la Turquie et une autre partie a été déportée vers la région du Kouban plus au Nord. Les oubykhs de Turquie se sont fondus parmi les autres peuples caucasiens tcherkesses et abkhazes48. Le dernier locuteur de la langue oubykh, Tevfik Esenç, s’est éteint en octobre 1992. La « montagne des langues », comme les Arabes appelaient jadis le Caucase et comme aimait à le rappeler George Dumézil, perd peu à peu ses langues.
En mémoire de cet évènement, Dokou Oumarov lance un appel guerrier en juillet 2013 : « J’appelle tous les moudjahidines, où qu’ils se trouvent – au Tatarstan, au Bachkortostan ou dans le Caucase – à fournir un maximum d’efforts sur le chemin d’Allah pour faire échouer ces danses sataniques sur les os de nos ancêtres« . En raison du symbolisme de ces lieux, l’émir autoproclamé du Caucase a publié cette vidéo de menaces à l’encontre des autorités russes. Il a exhorté les combattants musulmans de toute la Russie de perturber les jeux par tous les moyens.
La Russie, notamment dans sa zone méridionale, est touchée par les attentats terroristes depuis les années 1990, presque au même titre que l’Irak ou l’Afghanistan. Elle se classe, en effet, au 7e rang mondial pour le nombre d’attaques terroristes et de victimes. En 2010, on dénombre un pic de 250 attaques terroristes49. La majorité des attaques sont perpétuées dans le Caucase du Nord, et dans une moindre mesure à Moscou. Depuis 2009, le Daghestan semble l’épicentre de la violence. Cependant, elle n’épargne pas les républiques voisines comme la Kabardino-Balkarie, la Tchétchénie qui a connu deux conflits extrêmement violents dans la dernière décennie, et l’Ingouchie.
Dans le sillage des deux guerres de Tchétchénie (1994-1996) et (1999-2009), les luttes initialement d’indépendance se sont confessionnalisées. Un maquis de combattants islamistes s’est diffusé dans la région. Les autorités locales ou fédérales ne réussissent pas à le maîtriser50. La Tchétchénie, pour sa part, est dite « normalisée » mais se trouve sous la coupe d’un potentat local, Ramzan Kadyrov et sous perfusion du budget fédéral51. Sotchi comporte aussi une frontière commune avec l’Abkhazie, un territoire séparatiste de Géorgie. Pour mémoire, la guerre de Géorgie menée par la Russie à l’été 2008 a conduit à l’indépendance de ce territoire reconnu par seulement quatre Etats autres que la Russie (Venezuela, Nicaragua, les deux îles-Etats du Pacifique Nauru et Tuvalu) ainsi que l’autre territoire indépendantiste de Géorgie, l’Ossétie du Sud.
Face à ces menaces, les autorités russes déploient des mesures de sécurité, conformément au décret présidentiel du 19 août 201352, qui rappellent un état d’urgence, Près de 40 000 fonctionnaires de police ou du FSB seront dépêchés sur place. Des restrictions dans les déplacements dans la ville de Sotchi et encore plus dans les sites olympiques seront instaurées. La cybersurveillance sera intensive. Le programme SORM-3 n’aura rien à envier à son homologue américain PRISM. Le passage de drones est prévu. Contrairement à la Constitution qui garantit le libre déplacement des citoyens russes sur tout le territoire, ceux-ci sont contraints au même titre que les étrangers de se doter d’un « passeport du supporter » délivré par le FSB qui leur donnera accès au site, et devront comme tout étranger s’enregistrer auprès des autorités locales dans les trois jours. 56 checkpoints avec détecteurs de métaux dans tous les endroits stratégiques à commencer par l’aéroport contrôleront 7 200 personnes par heure. Des sonars manipulés par des militaires surveilleront l’approche de sous-marins. Les montagnes et les gorges seront parcourues pour éviter l’infiltration de terroristes. Le décret présidentiel portant sur le plan de sécurité des JO prévoyait initialement une restriction totale des manifestations, marches, meetings sur les sites des JO. Face à la polémique qui enflait, ces mesures ont été assouplies en décembre 201353. De telles actions devront être autorisées préalablement par le Ministère de l’Intérieur et le FSB. Sotchi sera ainsi transformée en un véritable bunker.
Un héritage incertain
Pour expliquer leur désignation face à la candidature de Paris en 2005 à Singapour54, les Anglais aiment expliquer que le projet d’héritage des JO après l’évènement en 2012 a fait la différence55. Leur promesse en 2005 se résume ainsi : « Choisissez Londres et nous allons créer un héritage extraordinaire pour le Royaume Uni et pour le monde » Réhabilitation d’un quartier défavorisé de East London. Amélioration des infrastructures de transports. Création de structures modulables pour réduire la capacité d’accueil du public des bâtiments une fois les jeux terminés, à l’instar de la piscine du parc Olympique56. Les Anglais ont voulu rendre pérennes si ce n’est durables ces investissements gigantesques pour une fête éphémère.
Qu’en est-il à Sotchi ? Le gouvernement russe prévoit d’utiliser la ville de Sotchi et ses nouvelles facilités en termes d’accueil du tourisme de masse pour accueillir le Sommet du G8 en juin 2014, une course de Formule 1 à l’automne 2014 et en partie la Coupe du monde de football en 2018. Mais au-delà de ces grands évènements, quel sera l’héritage de la nouvelle Sotchi ?
Le gouvernement russe cherche à sortir cette région de la violence et de la misère. Au niveau proprement local, le choix de la cité balnéaire de Sotchi répond aussi à l’ambition de développer une région pauvre, de la désenclaver, et de la sortir de la pauvreté et de la violence. Le tourisme est conçu comme étant le coeur de ce développement. Le programme de développement du Caucase du Nord à horizon 202557 vise précisément à renforcer le maillage des infrastructures, attirer les investissements étrangers, créer des installations touristiques modernes, pour atteindre à terme une augmentation du PIB par habitant et une réduction du chômage.
Toutefois, la rentabilité ne semble pas au rendez-vous. L’écrasante majorité des investissements proviennent de l’Etat ou d’autres institutions publiques. Sur ces investissements, Vladimir Dmitriev, Directeur de la banque de développement et de l’activité économique extérieure (Vneshekonombank), banque d’Etat, a déclaré en juin 2013 que 8 des 19 projets d’infrastructures olympiques ne seraient pas rentables58. Les rares investisseurs qui ont mis la main à la poche, Oleg Deripaska et Vladimir Potanine, cherchent à se dégager de ses investissements le plus rapidement possible, car ils ont pleinement conscience que la rentabilité des infrastructures notamment des hôtels de tourisme liés à la future station de ski sera inexistante. Ainsi, Vladimir Potanine, magnat du nickel, et bâtisseur de la station de montagne Rosa Khutor, explique dans une longue interview que la station de ski a une capacité de lits et un standing bien trop élevé et ne correspond pas à la taille du marché de Sotchi59. Il attendait un soutien financier de l’Etat pour soutenir les investissements engagés à perte.
Ensuite, la neige ne sera peut-être pas non plus au rendez-vous. L’idée de développer les stations de ski en Russie qui font défaut, et éviter que les riches Russes ne partent dans les Alpes paraît intéressante à première vue. Néanmoins, le choix du site est quelque peu incongru. En effet, Sotchi se trouve dans la région la plus chaude de Russie, sous un micro-climat subtropical. L’enneigement n’y est pas assuré, à tel point que les responsables du chantier des olympiades stockent de la neige depuis un an pour être sûrs que les pistes soient assez enneigées lors des JO60. Au printemps 2013 puis en décembre 2013, 700 000 m3 de neiges ont été entassées dans 14 collines, et placées sous des bâches en tissus géotextile, conçus pour l’occasion par la société Snow Secure61.
De plus, une étude récente62 montre que bon nombre de stations qui ont accueilli depuis près d’un siècle des Jeux Olympiques d’hiver ne seront plus en mesure de le faire à horizon 2080 en raison du changement climatique. La station de Sotchi fait partie des premières touchées par le phénomène. Mais celui-ci n’épargne pas les stations Squaw Valley (USA, JO 1960), Garmisch-Partenkirchen (Allemagne, JO 1936), Grenoble (France, JO 1968), Chamonix (France, JO 1924), Vancouver (Canada, JO 2010), Sarajevo (Bosnie-Herzégovine, JO 1984), Oslo (Norvège, JO 1952).
Quant aux infrastructures de sport proprement dites, Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk alarment les autorités dans leur rapport sur le fait qu’elles risquent vraisemblablement d’être inutilisées après la fête63. En effet, la ville de Sotchi compte 420 000 habitants selon les données du récensement de 2010 et les sites olympiques sont prévus pour accueillir près de 200 000 personnes. Le plus grand stade de Sotchi, préexistant aux Olympiades, le stade de l’équipe Zhemchuzhina d’une capacité de 10 200 places n’a été rempli qu’une fois dans son histoire depuis sa construction en 1964. Ainsi le stade olympique Fisht conçu pour accueillir 40 000 personnes, le Palais de glace Bolshoï d’une capacité de 12 000 places, le Centre de patinage Adler-Arena de 8 000 places, le centre de patinage artistique de 12 000 places, le centre de curling Ice Cube de 3 000 places, l’arène de glace Chaïba de 7 000 places, totalisant ainsi un accueil maximal de 82 000 places, sont surdimensionnés pour la région. Faute des financements pour leur entretien, et à défaut d’une fréquentation suffisante, ces infrastructures risquent d’être simplement abandonnées.
Un Grand Projet Inutile et Imposé
Les JO de Sotchi cumulent donc de nombreuses tares. Désastre écologique, social et humain, absence d’intégration de la participation effective de la population à la prise de décision, agissements dans l’opacité, priorité donnée aux grands équipements plutôt qu’aux besoins locaux, projet qui garantit des profits aux grands groupes industriels et financiers, à la charge des budgets publics… telles sont les caractéristiques des grands projets inutiles et imposés décrits dans la Charte de Tunis adoptée au Forum social de Tunis le 29 mars 2013, lors du Forum contre les Grands Projets Inutiles et Imposés64. Le projet de Sotchi répond à bon nombre des critères de cette charte.
Il reste l’enjeu de prestige et de symbolisme, celui de la consécration du retour de la Russie sur la scène internationale. Une fois encore, la fête est quelque peu gâchée par l’absence de certains chefs d’Etat occidentaux et de responsables de l’Union européenne : Joachim Gauck, président de l’Allemagne, Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, François Hollande, président de la France et Barack Obama, président américain. La fête est aussi gâchée par les mobilisations internationales de la communauté LGBT qui reproche à Poutine le vote de la loi contre « la propagande des relations sexuelles non traditionnelles envers les mineurs » en juin 2013.
Pour redresser la barre et assurer un héritage durable à la fête éphémère, l’International Crisis Group65 émet plusieurs recommandations à l’adresse des autorités russes. Le centre d’études enjoint les autorités locales d’instruire les plaintes des résidents expropriés, d’investiguer les cas de violations des droits s’agissant des travailleurs migrants, de respecter le programme « zéro déchets » et d’inclure les activistes environnementalistes dans la planification d’un programme de développement durable, et enfin de cesser de tourmenter les journalistes et les activistes. A l’adresse du Comité national anti-terroriste, il recommande de cesser les violations des droits humains, et les intimidations contre les communautés musulmanes modérées. Il préconise également de réhabiliter les anciens combattants et de faciliter le dialogue interconfessionnel. Enfin pour assurer le succès du projet gouvernemental de développement du tourisme dans la région, le centre de recherches considère comme primordial de mener des études préalables de faisabilité, de lancer les projets économiques dans toutes les régions du Caucase, en assurant préalablement la sécurité. L’amélioration des relations inter-ethniques, en passant par la promotion des Nord-Caucasiens dans les médias dans toute la Russie, pourrait également favoriser la réussite de ces projets. Enfin, les entreprises de tourisme dans le Nord Caucase sont invitées à consulter les populations locales sur les projets d’infrastructures, et les inclure réellement dans le processus décisionnel. Elles sont incitées à respecter les propriétés privées des résidents, recruter du personnel local et garantir des pratiques d’affaires éthiques et en respect avec les normes environnementales. Des mesures de lutte contre la corruption sont enfin encouragées.
Anne
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Notes
1Michelle Martin et Lidia Kelly, « Inside Germany’s campaign to free Khodorkovsky », Reuters, 27 décembre 2013 : http://in.reuters.com/article/2013/12/26/germany-khodorkovsky-idINDEE9BP09T20131226
2« Концепция национальной безопасности Российской Федерации », Независимая газета, 14 janvier 2000, http://nvo.ng.ru/concepts/2000-01-14/6_concept.html
3Régis Genté, « Russie. Pourquoi V. Poutine a tant besoin des JO de Sotchi », La Documentation française, P@ges Europe, 21 janvier 2014 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/pages-europe/d000708-russie.-pourquoi-vladimir-poutine-a-tant-besoin-des-jo-de-sotchi-par-regis-gente/article
4Citation par Itar-Tass, reprise par Vesti.ru : http://www.vesti.ru/doc.html?id=131696
5Anne R., « Rétrospective et bilan du mouvement contestataire en Russie », Commission Transnationale, janvier 2013 : https://transnationale.eelv.fr/2013/01/25/retrospective-et-bilan-du-mouvement-contestataire-en-russie/
6Thomas Gomart dans « 3D, le journal : Les Jeux de Sotchi feront-ils le jeu de Poutine », France Inter, 5 janvier 2014 : http://www.franceinter.fr/emission-3d-le-journal-les-jeux-de-sotchi-feront-ils-le-jeu-de-poutine-et-le-nouveau-visage-de-marse
7Vidéo promotionnelle « Фильм о Сочи: Сочи Красная Поляна 2014 » : https://www.youtube.com/watch?v=KpH4oYVQTnE
8Alexander Gentelev, documentaire « Quand Poutine fait ses jeux », Arte, janvier 2013 : http://future.arte.tv/fr/sotchi
9« В основу концепции проведения Олимпиады-2014 в Сочи положена легенда о Прометее », Кавказский узел, 12 janvier 2007 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/108615/
10Kurt Scharr, Ernst Steinicke et Axel Borsdorf, « Sotchi/Сочи 2014 : des Jeux Olympiques d’hiver entre haute montagne et littoral », Revue de Géographie Alpine, n°100-4, 2012, mis en ligne le 01 décembre 2013 : http://rga.revues.org/1745 ; DOI : 10.4000/rga.1745
11idem
12« На выборах мэра Сочи побеждает Анатолий Пахомов », Кавказский узел, 27 avril 2009 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/153420/
13« В Сочи на выборах мэра проголосовали более 3% избирателей (Видео) », Кавказский узел, 23 avril 2009 : http://krasnodar.kavkaz-uzel.ru/articles/153283
14« Суд отклонил иск Немцова об отмене итогов выборов мэра Сочи », Кавказский узел, 26 juin 2009, http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/155881/
15Ирина Фуфаева, « Олимпстрой : дурной сон древних гор », Берегиня, novembre 2011 : http://www.greensalvation.org/uploads/201111bereginya.pdf
16Nick Holdsworth, « The film Russia tried to block: The ‘threats and corruption’ behind Sochi Olympics », The Telegraph, 24 novembre 2013 : http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/russia/10469999/The-film-Russia-tried-to-block-The-threats-and-corruption-behind-Sochi-Olympics.html
17Boris Nemtsov and Leonid Martynyuk, « Winter Olympics in the Subtropics », mai 2013 : http://www.putin-itogi.ru/winter-olympics-in-the-subtropics/
18The Anti-Corruption Foundation, « Champions of corruption race », janvier 2014 : http://sochi.fbk.info/en/award/
19 Интервью Дмитрия Медведева »Медведев: инвестиции в Олимпиаду в Сочи оправданы », Аргументы и Факты, 6 décembre 2013 : http://www.aif.ru/money/economy/1039069
20Alexei Anishchuk, “Gay people welcome at Sochi Olympics, says Russia’s Putin”, Reuters, 28 octobre 2013 : http://www.reuters.com/article/2013/10/28/us-olympics-ioc-sochiidUSBRE99R0LK20131028
21 « Затраты на подготовку к ОИ в Сочи на 1 января превысили 1,1 трлн руб », РИА Новости, 1er février 2013 : http://ria.ru/sport/20130201/920829446.html#ixzz2pdMTm3kv
22Александр Соколов, « Затраты на Олимпиаду Сочи-2014 рекордные за всю историю Олимпийских игр », За ответственную власть!, 16 août 2012 : http://igpr.ru/articles/zatraty_na_olimpiadu_v_sochi
23Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk, op.cit.
24Joshua Yaffa, « The Waste and Corruption of Vladimir Putin’s 2014 Winter Olympics », Bloomberg Business Week, 2 janvier 2014 : http://www.businessweek.com/articles/2014-01-02/the-2014-winter-olympics-in-sochi-cost-51-billion#p1
25idem
26Vidéo « Путин раскритиковал работу Билалова в Сочи », Russia Today, 6 février 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=7-A5jWBAN7c
27Vidéo « Дмитрий Козак: Ахмед Билалов покинет посты в ОКР и «Курортах Северного Кавказа» », Russia Today, 7 février 2013 : http://russian.rt.com/article/4003
28Miriam Elder « Axed Russian Winter Olympics official ‘poisoned' », The Guardian, 28 avril 2013 : http://www.theguardian.com/world/2013/apr/28/axed-russian-winter-olympics-official-poisoned
29 Правительство Российской Федерации, « Постановление от 29 декабря 2007 года N 991. О Программе строительства олимпийских объектов и развития города Сочи как горноклиматического курорта (с изменениями на 17 января 2014 года) » : docs.cntd.ru/document/902081258
30Vidéo « В Имеретинской бухте шторм разрушил строящийся порт » : http://www.funsochi.ru/blogs/denis77/2009/v-imeretinskoi-bukhte-shtorm-razrushil-stroyashchiisya-port
31« Пострадавшему от шторма порту в Сочи нанесен ущерб в пределах 500 млн. рублей », Кавказский узел, 22 décembre 2009 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/163422/
32Алексей Пастушин, « Дерипаска приведет яхты в Сочинский грузовой порт », РосБизнесКонсалтинг daily, 10 juillet 2013 : http://www.rbcdaily.ru/market/562949987784417
33« Предолимпийская тяжба », Эксперт, 23 décembre 2013 : http://expert.ru/south/2014/02/predolimpijskaya-tyazhba/
34Photos de Александр Валов, « Олимпиада через задницу », ФотоТелеграф, 24 janvier 2014 : http://fototelegraf.ru/?p=215487
35Photos de Александр Валов, « Восемь дней до Сочи. Фото », Эхо Москвы, 30 janvier 2014 : http://www.echomsk.spb.ru/blogs/EchoSPB/19385.php?
36Classement du site à l’UNESCO : http://whc.unesco.org/fr/list/900/
37« Заявление экологов против проведения Олимпиады-2014 в Сочи », 29 décembre 2006 : http://www.ikd.ru/node/1876
38Анна Лесневская, «Им самим стыдно», New Times, n°31, 30 septembre 2013 : http://newtimes.ru/articles/detail/72109/
39« Обращение эксперта по геоэкологическим проблемам строительства олимпийских объектов к Президенту РФ Д.А. Медведеву », issu du journal Ведомости, 29 juin 2009 : http://www.biodiversity.ru/programs/law/bulletin/n161.html
40« Счетная палата проверит Павловскую опытную станцию », Департамент информации Счетной палаты Российской Федерации, 6 septembre 2010 : http://www.ach.gov.ru/ru/news/archive/06092010-1/
41Ирина Фуфаева, op. cit.
42 Светлана Кравченко, « Владимир Остапук: размещение строительных отходов в Ахштырском карьере в Сочи ведется с нарушениями », Кавказский узел, 28 août 2013 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/229160/
43 « Статистика по изъятию и предоставлению объектов недвижимости », (на 27.01.2014), Департамент Краснодарского края по реализации полномочий при подготовке зимних Олимпийских игр 2014 года : http://www.relocation.olympdep.ru/
44 « Don’t Trample the Olympic Ideals in Russia », Human Rights Watch, 25 mai 2009 : http://www.hrw.org/news/2009/05/25/dont-trample-olympic-ideals-russia, « Russia: Halt House Demolition for Olympic Construction », Human Rights Watch, 6 juin 2012 : http://www.hrw.org/news/2012/06/06/russia-halt-house-demolition-olympic-construction ; « Russia: Forced Eviction Tramples Olympic Ideals », Human Rights Watch, 19 septembre 2012 : http://www.hrw.org/news/2012/09/19/russia-forced-eviction-tramples-olympic-ideals
45« Жители Сочи протестовали в Москве против изъятия земель для Олимпиады », Кавказский узел, 23 novembre 2009 : http://www.kavkaz-uzel.ru/articles/162320/
46Human Rights Watch, « Race to the Bottom : Exploitation of Migrant Workers Ahead of Russia’s 2014 Winter Olympic Games in Sochi », 6 février 2013 : http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/russia0213_ForUpload.pdf
47Documentaire de Hervé Ghesquière et de Christophe Kenck, « Sotchi : Les jeux à tout prix », France 2, Envoyé spécial, 23 mai 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=rNChN1rZKBk
48Conférence de Bernard Outtier, « Sotchi, un village olympique sur un cimetière », Maison d’Europe et d’Orient, Paris, 31 Janvier 2014
49Erin Miller, « Terrorism and the Olympics: Sochi, Russia 2014, The National Consortium for the Study of Terrorism and Responses to Terrorism » (START), janvier 2014 : https://www.start.umd.edu/pubs/STARTBackgroundReport_TerrorisminOlympicsSochiRussia_Jan2014.pdf
50« De l’Himalaya au Caucase: la montagne, objet de convoitise (4/4) – A Sotchi comme ailleurs, la ruée vers l’or blanc », Emission Culturesmonde invitée : Aude Merlin, France Culture, 19 décembre 2013 : http://www.franceculture.fr/emission-culturesmonde-de-l%E2%80%99himalaya-au-caucase-la-montagne-objet-de-convoitise-44-a-sotchi-comme-ai
51Régis Genté, op.cit.
52Указ Президента Российской Федерации от 19 августа 2013 г. N 686 « Об особенностях применения усиленных мер безопасности в период проведения XXII Олимпийских зимних игр и XI Паралимпийских зимних игр 2014 года в г. Сочи » : http://www.rg.ru/2013/08/23/bezopasnost-dok.html
53Анастасия Корня, « Митинги в Сочи придется согласовывать с ФСБ », Ведомости, 5 décembre 2013 : http://www.vedomosti.ru/politics/news/19704991/fsb-razreshit-mitingi-v-sochi
54« 2012 Olympic Bid – London », GamesBids.com, : http://www.gamesbids.com/eng/bid_archives.html#2012
55 Department for Culture Media & Sport, Government of United Kingdom, « Beyond 2012: The London 2012 Legacy Story », 24 April 2012 : https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/77993/DCMS_Beyond_2012_Legacy_Story.pdf
56Julia Z. « La piscine des Jeux Olympiques de Londres 2012 par Zaha Hadid », architecture-urbanisme.fr, 29 novembre 2011 : http://projets-architecte-urbanisme.fr/piscine-londres-jeux-olympiques-zaha-hadid/
57« State programme: North Caucasus Federal District Development to 2025 », Russian government, 21 décembre 2012 : http://government.ru/en/docs/7303
58 « ВЭБ усомнился в возврате олимпийских кредитов », Lenta.ru, 14 juin 2013 : http://lenta.ru/news/2013/06/14/veb/
59Александра Терентьева, Виталий Петлевой, « Интервью — Владимир Потанин, гендиректор «Норильского никеля» », Vedomosti, 16 septembre 2013 : http://www.vedomosti.ru/library/news/16375021/glavnoe-v-nashih-otnosheniyah-s-deripaskoj-to-chto-my
60Jeanne Cavelier, « Comment la Russie a fabriqué la neige des JO de Sotchi », terraeco.net, 21 janvier 2014, http://www.terraeco.net/La-Russie-fait-des-reserves-de,53407.html
61Site de l’entreprise Snow Secure : http://www.snowsecure.fi/
62Daniel Scott, Robert Steiger, Michelle Rutty, Peter Johnson, « The Future of the Winter Olympics in a Warmer World », Interdisciplinary Centre on Climate Change de l’Université de Waterloo (Canada), Manager Center Innsbruck (Autriche), janvier 2014 : https://uwaterloo.ca/news/sites/ca.news/files/uploads/files/oly_winter_games_warmer_world_2014.pdf
63Boris Nemtsov et Leonid Martynyuk, op. cit.
64« Charte de Tunis », adoptée au Forum social mondial lors du Forum contre les Grands Projets Inutiles et Imposés, 29 mars 2013 : http://www.presidioeuropa.net/blog/la-carta-di-tunisi-la-charte-de-tunis/
65« Too Far, Too Fast : Sochi, Tourism and Conflict in the Caucasus », International Crisis Group, Europe report n°228, 30 janvier 2014 : http://www.crisisgroup.org/~/media/Files/europe/caucasus/228-too-far-too-fast-sochi-tourism-and-conflict-in-the-caucasus.pdf