Le 8 août 2024
Dix jours après qu’ait été annoncée la victoire inattendue du candidat Nicolas Maduro, la défiance face à ce résultat continue tant dans la population qu’à l’international.
En effet, le Conseil National Électoral n’à toujours pas présenté les bordereaux en faisant foi alors que l’opposition a publié sur internet des procès-verbaux de 81,7 % des bureaux de vote, dont elle affirme la fiabilité, la donnant largement gagnante.
Cette contradiction entre la droite libérale et le gouvernement vénézuélien n’ a rien d’étonnant, au contraire des réactions de la population comme de certains alliés du gouvernement Maduro .
Un désaveu massif
Contre toute attente, dès le 29 juillet, d’’importantes foules venues des quartiers populaires, dont beaucoup de jeunes, ont spontanément manifesté au cri de “liberté” , en même temps que l’opposition de droite . On compte au moins 187 manifestations dans une vingtaine d’états.
Ce fut moins le dimanche 4 août, étant donnée la violente répression des jours précédents: 120 000 emprisonnements , selon le procureur, au moins 17 victimes et de nombreux blessés. es . Mais cette réponse du pouvoir et ces mobilisations sont le signe d’ une rupture nette entre le successeur de Hugo Chavez et ses traditionnels appuis populaires.
Autre rupture, la non reconnaissance du résultat proclamé venant de pays qu’on ne peut soupçonner d’accointances avec la droite vénézuélienne. Ainsi, le Brésil, dont le président Lula a longtemps été un défenseur du socialisme bolivarien, ou le Mexique, dont la future présidente, de centre gauche, ont exprimé une même demande de transparence dans un texte commun avec les présidents colombien et chilien.
Il est évident que ces gouvernements n’ont sûrement pas souhaité l’élection d’un candidat de droite, au programme libéral. Mais le manque de preuves de la victoire, avec 51,7%, du candidat Nicolas Maduro, une campagne sous le signe de la répression (au moins 150 arrestations arbitraires), de l’obstruction ( des candidatures interdites, 5 millions d’exilés.es n’ayant pu voter), ne pouvaient que faire douter de l’honnêteté de ces élections.
La fin de non recevoir gouvernementale et la brutalité extrême de la police contre ls mobilisations populaires, comme les scandaleuses déclarations de Nicolás Maduro affirmant que deux prisons seraient dédiées à l’incarcération, au travail forcé et à la « rééducation » des manifestants n’ont fait qu’aggraver la défiance vis à vis du président. S’y ajoutent les arrestations récentes dénoncées par le syndicat des journalistes qui soulignent le refus absolu de toute discussion et apaisement.
Que seulement. 57% des vénézuéliens.nes aient voté, alors que la droite et son programme ultra libéral était donnée largement gagnante, montre clairement le rejet de N.Maduro.
C’est un désaveu d’une politique qui n’a plus grand chose à voir avec la tentative de socialisme bolivarien mis en place par Hugo Chavez
Son élection, en 1999, avait provoqué un espoir immense, qu’a conforté une politique redistributrice. Les importants revenus pétroliers ont été investis dans des programmes sociaux, agricoles et alimentaires et le taux de pauvreté a fortement diminué.
Ces progrès indéniables n’ont cependant pas résisté aux insuffisances de la politique chaviste : personnalisation, concentration du pouvoir, écartant peu à peu société civile, syndicats et corps intermédiaire, au profit de gestionnaires indigents, peu de nationalisations, et le maintien d’une classe possédante et des inégalités. Résultat, la baisse du prix du pétrole sur lequel reposait trop majoritairement les finances a abouti à une importante crise économique et sociale en 2012.
Crise sociale et économique : un exil massif
Nicolas Maduro , en 2013, hérite donc d’un pays en crise, qu’il va transformer en déroute économique et sociale. Entre 2014 et 2020, la richesse nationale perd 80%de sa valeur.
Face a cette situation, il va rogner sur les services publics, sur les salaires, sur les aides aux plus pauvres, sur le droit du travail, la sécurité sociale, etc. Classiquement, pour le faire accepter à la population, le régime devient de plus en plus autoritaire, répressif, interdisant toute critique, et réprimant violemment toute contestation.
Le Vénézuela rejoint alors le groupe des pays pétroliers qui subissent la “malédiction des ressources” dont on sait par expérience qu’elles ne profitent jamais aux populations, mais aux multinationales qui les exploitent, détruisent leur environnement, déforestent, polluent. Pour le plus grand profit des bourgeoisies locales avec l’appui indispensable de gouvernements autoritaires.
En effet, la nouvelle élite économique, comme l’ancienne , se satisfait finalement assez bien de ce gouvernement qui fait régner l’ordre, contre le peuple, et dont la seule occupation est de se maintenir au pouvoir.
C’est ainsi que 30% de la population confrontée à une terrible pénurie alimentaire, sans avenir pour la jeunesse, s’exile. 5 millions de personnes au moins se réfugient dans les pays alentours. D’abord accueillies favorablement, elles sont rejetées quand leur trop grand nombre pose problème à des populations vivant elles mêmes chichement. C’est sans doute aussi ce que craignent les pays voisins, un nouvel exode en cas de victoire de N.Maduro .
Allègement des sanctions
Les sanctions étasuniennes de 2017 n’ont rien arrangé, bien au contraire. Illégales au regard du droit international, inutiles et néfastes puisqu’elles ne touchent principalement que le peuple et non les dirigeants, elles sont absolument contre productives: en fait, elles permettent au gouvernement de les rendre responsable de sa propre incurie.
Depuis l’invasion de l’Ukraine, les Usa ont en partie changé de politique. Ils ont repris leurs importations de pétrole vénézuélien pour remplacer les importations russes. C‘est ainsi que l’exploitation d’une partie du pétrole a été confiée à la multinationale nord américaine, Chevron.
Nouvelle illustration s’il en était besoin que la défense des droits humains n’a que peu de poids face aux intérêts économiques.
Nouvelle dépendance, accompagnée de l’ouverture à des investissements privés étrangers, qui n’ont pas suffi à maîtriser la crise économique et sociale que connait le pays.
Il est donc indispensable de soutenir les aspirations démocratiques du peuple vénézuélien comme de condamner la répression violente menée par le gouvernement du président Maduro contre une demande de transparence justifiée.
Le refus du gouvernement d’entamer tout dialogue ne peut, d’ailleurs, qu’accentuer les doutes quant aux résultats de ces élections.
Les pays de la région, inquiets à juste titre de la situation, proposent d’organiser une médiation entre le gouvernement et ses opposants.
Le Vénezuela souffre à son tour de la « malédiction des ressources ».
En effet, l’exploitation du pétrole est destinée prioritairement aux pays du Nord et ne profite pas aux populations des pays des Suds. Responsable du réchauffement climatique, elle est néfaste pour leur environnement, leur santé, leur vie quotidienne. Pour éviter toute contestation, aux mains de multinationales puissantes , elle favorise des régimes autoritaires et corrompus.
Françoise Alamartine, co-responsable de la Commission Transnationale EELV – Les Ecologistes