La proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) donnant la victoire à Alpha Condé, le président sortant, a provoqué une flambée de violences qui ont causé la mort d’au moins 21 personnes en Guinée, plusieurs dizaines d’autres ayant été blessées. Selon une enquête d’Amnesty international, les forces de défense et de sécurité (FDS) ont, à plusieurs reprises, fait usage d’armes de guerre contre les manifestants. Le chef de l’opposition et principal concurrent d’Alpha Condé à cette élection, Cellou Dalein Diallo, qui s’est auto-proclamé vainqueur, a été bloqué à son domicile par les FDS jusqu’à ce mercredi. En outre, comme dans bien trop d’élections en Afrique ces dernières années, l’accès à Internet a été restreint ou coupé pendant plusieurs jours, avant et après le scrutin, et le site d’informations en ligne Guineematin a été suspendu au seul motif qu’il a diffusé en direct des opération de dépouillement des votes.
10 des 11 candidats opposés au président sortant viennent de rejeter ensemble les résultats provisoires et de constituer un front commun. Ces derniers sont contestées au sein même de la CENI dont quatre membres ont publié un rapport détaillant de nombreuses irrégularités et anomalies à tous les stades du processus électoral, y compris dans la région de Haute-Guinée, fief électoral du président sortant et de son parti, qui posent de sérieux doutes sur la fiabilité du scrutin et la sincérité des résultats.
C’est dans ce contexte délétere qu’une médiation internationale a été tentée de manière conjointe par l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Union africaine et la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui ont chacune dépêché des émissaires sur place mais elle n’a pas pu permettre de sortir de l’impasse actuelle.
Ce drame guinéen était malheureusement prévisible et même annoncé. Arrivé au pouvoir en 2010 à la faveur de la toute première élection présidentielle formellement pluraliste et libre, Alpha Condé jouissait d’une aura d’opposant historique aux dictatures de Sékou Touré et de Lansana Conté, mais elle s’est ternie avec la dérive autoritaire de son régime.
La Guinée est plongée depuis un an dans une profonde crise politique. Ne pouvant effectuer plus de deux mandats de 5 ans, Alpha Condé aurait du quitter le pouvoir cette année, mais il a procédé à un changement de constitution afin de pouvoir prétendre à un troisième mandat. Depuis cette décision, le pays est sujet à de nombreuses manifestations et violences : selon divers rapports ou témoignages de Human Right Watch, Amnesty International, du mouvement pour la démocratie Tournons La Page et d’organisations locales comme le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), le collectif de la société civile et de l’opposition à la pointe de la lutte contre le troisième mandat en Guinée, pas moins d’une cinquantaine de morts sont à déplorer, et plus encore de personnes blessées ou d’arrestations arbitraires. Sans compter de nombreuses autres violations des droits humains. C’est dans ce contexte de tension et de défiance, exacerbées par une gestion autoritaire et calamiteuse de la crise sanitaire liée à la COVID-19, que s’est tenue une élection présidentielle d’autant plus vouée à l’échec que le fichier électoral n’a fait l’objet d’aucun consensus et a même été jugé « problématique » par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) au terme d’un audit mené conjointement avec l’UE et l’ONU.
Europe Ecologie Les Verts appelle les autorités guinéennes à mettre fin aux violences et exactions contre les populations civiles et à garantir le respect de leurs droits fondamentaux notamment ceux de manifestation, de circulation et d’expression.
Des enquêtes indépendantes doivent être mises en place sur toutes les violences en lien avec cette élection, y compris celles relatives aux contestations du changement constitutionnel, et engager la responsabilité pénale de leurs auteurs, afin de rendre justice aux victimes.
EELV exhorte les acteurs politiques et la société civile à rechercher et privilégier une voie durable de sortie crise pacifique, réellement inclusive et dépassant les considérations communautaires. La France et l’Union européenne doivent prendre leur part dans cette démarche. Cela passe notamment par la mise en oeuvre de la résolution du Parlement européen du 13 février dernier sur la Guinée dont l’essentiel des recommandations demeure valide. L’exemple de la Guinée, comme celui à venir de la Côte d’ivoire, doit achever de convaincre les pays européens de ne pas sacrifier les enjeux de défense des droits humains, des principes démocratiques et de bonne gouvernance dans l’accord Post-Cotonou en cours de négociation et, au contraire, de les renforcer. Cela passe aussi par le fait de revenir sur tout ce qui peut déstabiliser ce pays. Ainsi, par exemple, plutôt que de vouloir lui appliquer les inquiétants Accords de partenariat économique (APE) de l’UE qui fragiliseront encore plus son économie et sa société, il faut aider la Guinée à mettre fin à la situation insoutenable d’un pays dépendant excessivement de ressources minières (bauxite, fer, or, diamant…) dont l’extraction s’opère au prix de ravages écologiques (érosions des sols, pollutions multiples, déforestation, écosystèmes menacés, disparitions de cours d’eau, etc…), au bénéfice quasi exclusif d’intérêts principalement occidentaux, indiens et chinois et au détriment d’une population figurant parmi les plus pauvres du monde.
Alain Coulombel et Eva Sas, porte-paroles
La Commission Transnationale d’EELV