L’ALGERIE A L’HEURE DU CHOIX I
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Les réserves de gaz naturel de l’Algérie, épuisées dans 15 ans

L’Algérie a des réserves de change de 200 milliards de dollars et des revenus annuels de 60 milliards de dollars. Néanmoins, totalement dépendante de la vente de ses hydrocarbures, elle voit ses réserves diminuer. Malgré les multiples avertissements de spécialistes en la matière dans des colloques spécialisés, l’Algérie s’est contentée de vivre comme une rentière.

La grande majorité de la population découvre avec stupéfaction que cette rente apportée provenant exclusivement de la vente de gaz naturel n’est pas éternelle : Pour la première fois, la population prend conscience de cette réalité : Dans quinze ans, l’Algérie aura épuisé son stock d’hydrocarbures à exporter. Cette nouvelle a fait l’effet d’une bombe.
Le spectre de passer comme l’Egypte du statut privilégié d’ « exportateur d’hydrocarbures » à celui « d’importateur » la fait frémir. C’est pourquoi elle est contrainte de rénover son économie en diversifiant ses activités et en développant les investissements industriels, dans le prochain quinquennat à la suite des dernières élections présidentielles.

Manifestation en Algérie. Source : http://dzactiviste.info/mobilisation-contre-le-gaz-de-schiste-a-ouargla/
Manifestation en Algérie. Source : http://dzactiviste.info/mobilisation-contre-le-gaz-de-schiste-a-ouargla/

Aussi les pays étrangers cherchent-ils à se positionner comme partenaires privilégiés le plus vite possible, d’autant que le chef de la diplomatie algérienne a rappelé que les contrats seraient signés en fonction des meilleures offres dans le strict intérêt de l’Algérie.

La France, partenaire privilégiée ?

La France, jusque là partenaire privilégiée pour tous les investissements hors hydrocarbures, souhaite absolument maintenir sa position. D’où l’enjeu représenté par la visite de Laurent Fabius à Alger ce dernier week-end de Pentecôte.

La France, troisième client de l’Algérie pour les achats surtout d’hydrocarbures, a subi la concurrence de la Chine qui lui a ravi sa place de «  premier fournisseur de l’Algérie en 2013 et qui compte bien conserver cette place (1er trimestre 2014 : Chine 1,87 millions de dollars , dépassant de 0,2 milliard de dollars la performance française). Cette compétition acharnée s’applique sur les contrats de BTP qui se multiplient avec la Chine. (50 entreprises chinoises sélectionnées représentant un total de 20 milliards de dollars et la Chine a remporté le contrat symbolique de la grande mosquée d’Alger ( un milliard et demi de dollars) pour un chantier qui durera 3 ans.

Cependant, la France a obtenu un partenariat d’exception avec des rencontres régulières pour développer ces marchés (transports, agroalimentaire et pharmacie). Laurent Fabius ne cache pas non plus qu’il souhaiterait développer dans ce cadre de coopération l’aéronautique civile et militaire, le tourisme et les PME.

Néanmoins, outre ces contrats et les débats sur un partenariat en matière de sécurité, le vrai enjeu de cette rencontre reste le contrat sur l’exploitation du gaz de schiste. Laurent Fabius avait déjà annoncé la signature du contrat mais cela n’avait jamais été confirmé officiellement en Algérie. Le Président Bouteflika aurait donné son accord, vite démenti par la suite par le premier ministre Abdelmalek Sellal qui, en réponse aux protestations, aurait déclaré qu’on resterait pour l’instant dans une phase expérimentale.

L’ exploitation du gaz de schiste, la solution miracle ?

Ce thème, annoncé timidement par le gouvernement algérien fait débat en Algérie et a occasionné des premières manifestations. Malgré les difficultés à contester la politique gouvernementale, ces premières résistances s’organisent et sont médiatisées dans la presse algérienne.

C’est pourquoi il était bien tentant de convaincre la population que l’exploitation du gaz de schiste représenterait la seule alternative, face à la menace d’épuisement des réserves de gaz. Le premier ministre a déclaré « ce serait un péché de ne pas exploiter le gaz non conventionnel car on compromettrait l’avenir des générations futures ».

Le département américain de l’Energie a évalué que les réserves probables du sous- sol algérien représenteraient les troisièmes ressources en gaz de schiste au niveau mondial, après la Chine avec 31 220 milliards m3 et l’Argentine avec 22 500 m3. Estimées à 6440 milliards de m3 en 2011, ces réserves ont été réévaluées à 19 800 milliards, soit le triple. Un groupe de Consulting pense même que le vrai chiffre serait de 32 510 milliards m3, qui la porterait donc au premier rang, avant la Chine. Elle est dotée en effet de 7 bassins : Moudir, Illizi, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf.

 

Carte du gaz de schiste en Algérie. Source : http://algerienetwork.com/algerie/
Carte du gaz de schiste en Algérie. Source : http://algerienetwork.com/algerie/


La SONATRACH a entamé des recherches pour déterminer les bassins prioritaires en fonction de certains critères techniques (Berkine – Ghadanes étant le premier puit-pilote choisi). L’utilisation de la technique de fracturation hydraulique est soumise à l’accord du Conseil des ministres (JO mars 2014), l’ARH (autorité de régulation des hydrocarbures) étant elle, chargée de veiller au respect de l’environnement lors de ces opérations.
Le pouvoir algérien a donc unilatéralement, sans consultation parlementaire ni débat public, décidé d’ouvrir la porte à l’exploitation du gaz de schiste dans le pays.

Les firmes américaines se sont mises immédiatement sur les rangs, talonnées par la France. (GDF Suez surtout, qui exploite déjà en Algérie le gaz conventionnel). Cette entreprise souhaite surtout expérimenter des techniques d’extraction à la fracturation hydraulique, interdites en France.

La population algérienne craint naturellement l’impact environnemental et sanitaire de l’exploitation du gaz de schiste dans des zones où les ressources en eau sont rares et où les conséquences seraient irrémédiables.

D’anciens ministres, d’anciens PDG de la Sonatrach avaient pourtant émis des propositions qui ont été reprises lors d’un colloque consacré au développement économique et à la transition énergétique. Ils préconisaient notamment de :

  1. Restreindre la consommation et le gaspillage dans le pays.
  1. Stopper le maintien à des prix ridiculement bas des carburants, du gaz et de l’électricité, qui ne couvrent même plus les coûts des fournisseurs. Ce que refuse le Président actuel, de crainte de provoquer des émeutes.
  1. Ne plus baser l’économie sur la vente de ressources par nature épuisables, comme c’est le cas depuis 40 ans, mais diversifier, comme les autres pays émergents, ses ressources par le biais de la production de biens et services .

Si les discours entérinent ces choix de ne plus baser son économie sur le « tout pétrole », la bureaucratie algérienne bloque toutes les initiatives locales, freinées par des démarches administratives kafkaïennes. De plus, le PNDER (programme national des énergies renouvelables) acté en 2011, tarde à se concrétiser sur le terrain.

Les experts internationaux émettent la théorie selon laquelle l’Algérie préfèrerait fonctionner sur une rente régulière de devises dont elle pourrait disposer à sa guise pour maintenir une dépendance et un clientélisme avec des attributions ici ou là sans contrôle, pour des raisons politiques.
Les récentes dénonciations en matière de corruption sont restées plus ou moins en suspens malgré les multiples demandes de citoyens concernant la résolution juridique de ces affaires.

Conférence pour la transition démocratique, réunion de l’opposition algérienne, 10 juin 2014. Source : http://www.algerie-focus.com
Conférence pour la transition démocratique, réunion de l’opposition algérienne, 10 juin 2014. Source : http://www.algerie-focus.com

Les experts n’ont trouvé que cette explication politique pour justifier le retard considérable pris par l’Algérie en matière d’exploitation des énergies renouvelables. Le 10 juin a eu lieu à Alger une conférence regroupant tous les partis d’opposition afin de débattre de la situation du pays après ces élections. C’est la plus grande réunion d’opposition, toutes tendances confondues, depuis l’Indépendance. On apprend dans le même temps que l’Algérie a mobilisé 8 milliards d’euros pour relancer les entreprises publiques.

L’Algérie dispose donc de gros revenus pour investir et de soleil à volonté. Gardons l’espoir qu’elle retrouve toute sa raison et son bon sens. Rien, absolument rien ne peut empêcher une réelle transition énergétique. Il ne manque qu’une réelle volonté politique.

Catherine Belkhodja

Conseillère fédérale EELV, Membre de la Commission TRANSNAT AFRIQUE,
Membre du Conseil d’orientation politique et de l’observatoire de la diversité

Algérie, Energies renouvelables II à paraître prochainement
En savoir plus : Le Dessous des cartes