Le séisme n’est pas seul responsable de la catastrophe humanitaire en Turquie et en Syrie
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  « Il existe une corrélation entre le manque de démocratie et les dégâts laissés par les catastrophes naturelles » (Elif Shafak, écrivaine turque)

La Turquie et la Syrie, principalement les provinces kurdes, ont été touchées par l’un des séismes les plus meurtriers de ces dernières décennies. Pourtant, alors que les premières 48 h sont vitales pour la survie des victimes, il aura fallu 3 jours pour qu’enfin une aide minimum parvienne du côté turc, et beaucoup plus du côté syrien,.

Pour cette région hautement sismique, scientifiques et experts ont alerté sans relâche sur la nécessité d’établir des plans de prévention et de bâtir des constructions répondant aux normes antisismiques. Non seulement, ils n’ont pas été écoutés, mais certains d’entre eux ont même été emprisonnés.

C’est ainsi que les immeubles d’habitation ainsi que les bâtiments publics, pour certains construits depuis moins d’un an, se sont écroulés un à un comme des châteaux de cartes. Dès les premières heures de ce séisme, la population a appelé à l’aide afin de secourir les dizaines de milliers de personnes coincés sous les décombres. En vain.

Le bilan actuel est de près de 47.000 morts, plus de 41.000 en Turquie et environ 6.000 en Syrie. L’ONU prévoit que ces chiffres vont sans doute doubler. 

Les survivant.es n’ont plus de domiciles,  leur situation sanitaire est effroyable.

Dans la partie syrienne,  déjà ravagée par des années de guerre, et où survivaient des millions de réfugié.es, les dégâts du séisme (comme un barrage qui a cédé) se sont ajoutés à la faim, au froid et au choléra. Et au blocage de l’aide humanitaire par Bachar el Assad. Au  Rojava, la situation est d’autant plus catastrophique que la dangerosité liée à la présence de groupes djihadistes rend quasiment impossible l’acheminement de l’aide en dehors du biais de certaines ONG déjà implantées.  

L’écrivain syrien Yassine Hajj Saleh  s’indigne dans Courrier international. « Pourquoi le monde s’émeut-il davantage face à une catastrophe naturelle que face au désastre politique d’un demi-siècle de dictature sanguinaire ? ».

L’incurie du régime de Recep Tayyip Erdoğan pourtant très efficace lorsqu’il s’agit de faire la guerre, a rendu impossible l’intervention d’équipes et de matériel de sauvetage. Les appels au secours, les cris, les pleurs demandant inlassablement que l’on sorte des décombres leurs enfants, leurs proches, dont on pouvait entendre les voix sous le béton et les gravats, sont restés sans réponse.

La Une des journaux a alors  repris leur lancinante question « OÙ EST L’ÉTAT ? »

Pourtant, mises face à leurs défaillances, les autorités turques n’ont pas présenté d’excuse. Au contraire,  elles ont voulu museler l’information : accès limité des journalistes dans la zone, réseaux sociaux  où se manifestait la colère des populations (dont Tweeter) suspendus. 

De même, la première allocution de R.Erdogan a consisté à menacer toutes celles et ceux osant critiquer l’État. Ce qui n’a pas empêché les journalistes, les ONG indépendantes, les partis et élu.es d’oppositions d’être unanimes : cette tragédie aurait pu être évitée.

En 21 ans de « règne » de l’AKP, le parti présidentiel,  la corruption a miné la vie publique.  Sa politique économique s’est prioritairement développée sur une construction effrénée, en lien avec les grandes entreprises du secteur dont le président est très proche. Les services de l’Etat ont été vidés de leur pouvoir, remplacés par le clientélisme et  le népotisme au profit de ses amis.    

« Il est arrivé avec un séisme (en 1999), partira-t-il avec celui-ci  ? »

Mais ce drame pourrait être le commencement de la fin pour ce régime. Les partis d’opposition  manifestant ensemble malgré leurs difficultés à s’unir sont un signe. La fermeture des universités montre sa peur des révoltes étudiantes à quelques mois des élections.

Aminata Niakaté et Sophie Bussière, porte-paroles La commission Transnationale EELV