par Timur Delahaye, franco-turc, co-secrétaire EELV Europe du Nord
Après des élections locales et présidentielles remportées par le parti au pouvoir depuis 2002, quelle est la situation politique de la Turquie ? Comment les écologistes peuvent-ils aider à faire émerger une Turquie plus démocratique et soucieuse de l’environnement ?
1. Situation politique
a) Les forces en présence avant l’élection présidentielle du 10 août 2014
Depuis les élections législatives de 2011, seuls quatre partis sont présents au parlement turc qui n’est composé que d’une seule chambre élue au suffrage universel direct à la proportionnelle mais sur des circonscriptions régionales[1]. Du fait d’un barrage fixé à 10% au niveau national pour entrer au parlement, de nombreuses formations de taille moyenne ont disparu et aucune force nouvelle n’a pu émerger depuis 15 ans.
Le parti de la Justice et du Développement (AKP, 327 sièges) du président (alors premier ministre) Recep Tayyip Erdoğan, de droite, libéral économiquement et islamo-conservateur sur les questions de société, détient la majorité absolue pour la troisième fois d’affilée. Au niveau européen, l’AKP a quitté le PPE pour rejoindre la formation des Tories britanniques (AECR).
L’opposition est composée par ordre décroissant :
- du Parti Populaire de la République (CHP, 130 sièges), parti historique du fondateur de la République, Mustapha Kemal Atatürk, membre du Parti Socialiste Européen. Laïciste et jacobin avec de légères tendances autoritaires, le CHP bénéficie des votes de tous les Turcs inquiets d’une montée de l’islamisme, et ce quel que soit son programme, principalement car le CHP a réussi à s’imposer comme la seule alternative (plutôt) démocratique. Le CHP dispose de bastions dans les grandes villes de l’ouest (Izmir et dans une moindre mesure Ankara et Istanbul) et ne s’adresse pas au monde rural.
- du Parti du Mouvement National (MHP, 52 sièges), parti d’extrême droite raciste qui a une assise assez forte dans le nord-est du pays, autour de la mer Noire mais aussi dans le reste du pays où le nationalisme est la conséquence logique de la construction de l’Etat-nation depuis les Jeunes-Turcs des années 1890. Le racisme du MHP ne s’exprime pas contre les étrangers (l’immigration, bien que non négligeable, est assez invisible en Turquie sauf depuis l’arrivée de plus d’un millions de réfugiés syriens) mais contre tous les habitants de Turquie ne se reconnaissant pas dans le discours officiel: les minorités ethniques (plus de 90 en Turquie, Kurdes en tête) mais aussi religieuses (les 30%? d’alévis, les chrétiens, les juifs).
- du Parti de la Paix et de la Démocratie (BDP, 28 sièges), parti kurde mais accueillant également des membres non kurdes. Par exemple le député d’Istanbul Sirri Sürreya Önder qui est devenu très connu lorsqu’il s’est fait renverser par un bulldozer ayant pour mission d’abattre un arbre du parc Gezi, quelques jours avant les manifestations de mai 2013. Pour contourner le barrage des 10% que le BDP ne peut pas franchir, tous les candidats s’étaient présentés comme indépendants ce qui a provoqué de nombreux problèmes de visibilité voire de faux candidats. Le groupe BDP est composé à 25% de femmes (la moyenne est 14 % au parlement) et a une présidence paritaire.
Tous les autres partis politiques, y compris ceux qui ont parfois gouverné (libéraux, socialistes, intégristes…), sont totalement marginaux car en étant absent du parlement ils sont absents de l’espace médiatique.
Depuis plusieurs élections, les lignes bougent relativement peu : le CHP ne s’adresse qu’à une élite occidentalisée mais nationaliste, l’AKP aux ruraux et néo-urbains conservateurs, le MHP à des sphères plus ou moins militaires et mafieuses, et le BDP uniquement aux Kurdes. Si lors des précédentes élections l’AKP avait su s’attirer le vote des milieux d’affaire mais aussi de nombreuses minorités grâce à son discours libéral, force est de constater que ce vote étant devenu inutile à son maintien au pouvoir, Erdoğan ne se soucie plus de cet électorat, à l’exception notable du milieu du bâtiment, de l’agroalimentaire et des banques (les « tigres » anatoliens). L’opposition CHP + MHP depuis plusieurs années ne formule plus la moindre proposition et se satisfait d’un anti-erdoğanisme primaire qui leur permet de conserver à peu près leur électorat mais les rend aussi de plus en plus indifférenciés.
C’est dans ce cadre politique extrêmement figé qu’ont éclaté les manifestations de Gezi en juin 2013, en effet une part importante de la population ne se reconnait pas dans ces formations politiques dont aucune ne se saisit des questions de la défense de l’environnement ou de la qualité de vie. Si le CHP a tenté de s’accaparer le mouvement Gezi, ce mouvement a su rester informel.
En décembre 2013, un procureur d’Istanbul fait des perquisitions chez plusieurs membres du gouvernement et leur famille, y compris le fils d’Erdoğan et y trouve de très importantes sommes d’argent en liquide. Trois ministres sont forcés de démissionner, l’un d’entre eux implique directement Erdoğan mais le procureur est limogé ainsi que de très nombreux cadres de la police et de la justice, accusés d’appartenir à la confrérie de Fethullah Gülen, le Cemaat[2]. Durant les mois qui suivent, les nombreux médias appartenant à Gülen publient des enregistrements prouvant la corruption d’Erdoğan, de sa famille et de nombreux ministres. Faute de justice indépendante, aucun de ces enregistrements n’a pu être authentifié. Mais de nombreuses pistes d’enrichissement personnel sont crédibles : corruption liée à la construction et aux grands travaux (secteur en explosion en Turquie) ou trafic d’or avec l’Iran sous embargo. Ces révélations ont provoqué de grandes manifestations durant l’hiver dans la plupart des grandes villes.
Que ce soit durant Gezi ou les manifestations de l’hiver 2013-2014, Erdoğan a cessé de parler à l’ensemble de la population pour ne plus s’adresser qu’à son électorat traditionnel qui s’est largement mobilisé lors d’importantes contre-manifestations. Clairement le climat est à une polarisation de plus en plus grande la population de Turquie. Les opposants du leader de l’AKP le détestent chaque jour plus, ses sympathisants se sentent confirmés dans l’idée qu’Erdoğan et la Turquie en général sont l’objet de complots nationaux et internationaux. En effet, la Turquie est un terrain très favorable au complotisme et les climatosceptiques, les créationnistes et autres partisans des théories du complot y ont un écho incroyable. Malgré cette polarisation, l’AKP a largement remporté les élections municipales et régionales de mars 2014 avec plus de 43 % des voix, et de très nombreuses mairies (800 sur 1351) et présidences de région.
L’AKP est donc parti en campagne présidentielle avec tous les pouvoirs politiques en main mais aussi un soutien médiatique important. L’armée qui avait longtemps fait la pluie et le beau temps sur le paysage politique turc n’est plus un contre-pouvoir. Il faut bien sûr s’en réjouir car un régime militaire ne pourra jamais devenir une démocratie, mais il faut aussi voir qu’Erdoğan a finement utilisé les chapitres de la procédure d’adhésion à l’UE qui l’arrangeaient. De la même façon, la justice qui dépassait trop souvent les bornes en interdisant des partis politiques et en condamnant de très nombreux intellectuels et politiques, a perdu son influence sur la sphère politique, ce qui est une bonne chose, mais elle est devenue assujettie au gouvernement. Bref Erdoğan profite à plein d’une constitution antidémocratique instituée par le coup d’Etat militaire de 1982 et que les démocrates ont refusé de modifier en y voyant une barrage anti-AKP. Depuis, grâce au référendum de 2010, la constitution a évolué dans un sens paradoxalement plus démocratique sur certains sujets mais aussi très favorable au régime en place.
b) La campagne
Jusqu’aux élections locales de mars, l’AKP n’avait pas encore désigné de candidat pour l’élection présidentielle du mois d’août, hésitant à reconduire le sortant Abdullah Gül, considéré comme plus consensuel, ou le premier ministre Erdoğan. Fort de son succès de mars, Erdoğan annonce sa candidature le 1er juillet et affirme que s’il est élu il modifiera la constitution pour établir un régime présidentiel sitôt qu’il aura la majorité suffisante au parlement (3/5e, qu’il n’a pas).
L’opposition est en pleine déroute et malgré des tensions internes fortes, le président du CHP décide le 16 juin de présenter un candidat commun avec le MHP : un parfait inconnu, Ekmeleddin Ihsanoğlu. Universitaire et diplomate, il a été durant dix ans le secrétaire général de l’Organisation de la Conférence Islamique. Cette alliance contre nature entre un parti nationaliste et un membre du Parti Socialiste Européen (dont on attend toujours la réaction) était la conséquence logique du front anti-Erdoğan de mars où le CHP et le MHP on appelé à voter l’un pour l’autre dans leurs bastions respectifs. L’excuse officielle à cet appel incroyable est le mode de scrutin des élections locales qui, s’il est proportionnel dans l’attribution du nombre de sièges, confie l’ensemble de l’exécutif au parti arrivé en tête, même sans majorité absolue. Il faut dire que ce mode de scrutin a longtemps bien servi le CHP qui s’est donc empressé de ne pas le changer lorsqu’il en avait la possibilité.
De son côté, le BDP concrétise des discussions qui ont lieu depuis de nombreuses années et fonde la plateforme Parti Démocratique des Peuples (HDP) qui réunit, outre le BDP, le Parti Vert Turc (YSGP) et trois partis de gauche marxiste ou trotskiste. Si l’alliance existe formellement depuis 2012, c’est la première fois qu’elle est vraiment mise en avant. Le candidat choisi le 30 juin, Selahattin Demirtaş, député et coprésident du HDP, est issu du BDP et n’est pas très connu à l’extérieur des cercles kurdes.
La campagne électorale est extrêmement inégale : Erdoğan dispose de moyens économiques écrasants et ne se prive pas d’utiliser l’administration, les édifices publics et les médias publics pour faire campagne. Les thèmes qu’il aborde sont très patriotiques : la grandeur de la Turquie, les grands travaux, son leadership. Le candidat de gauche et d’extrême droite a forcément du mal à faire campagne, à chaque fois qu’il dit quelque chose il est forcé de se dédire le lendemain, principalement sur les questions liées aux minorités. Finalement la campagne se concentre sur la critique de la personne d’Erdoğan et un jeu de mot de mauvaise qualité entre son prénom, Ekmeleddin, le mot pain (ekmek) et le verbe semer (ekmek aussi).
Selahattin Demirtaş dispose de moyens très limités. Mais en meeting il se révèle incroyablement charismatique et réussit à attirer l’attention des médias classiques. Plutôt que de parler de l’AKP, Demirtaş présente son programme : les droits des minorités ethniques et religieuses mais aussi sexuelles, le vivre ensemble, le vivre mieux, la jeunesse et surtout la protection de l’environnement, qu’il est le seul à aborder. Sa campagne est également la plus moderne et utilise très largement les réseaux sociaux (400 000 followers sur Twitter, le double de Cécile Duflot) et les actions participatives : on a vu ici et là des posters artisanaux peints à la main. Malheureusement la campagne est très courte, à peine plus d’un mois, et la dynamique est donc un peu stoppée prématurément.
c) Les résultats
Erdoğan a remporté l’élection dès le premier tour avec 51,79% des suffrages exprimés. Il est bien évidemment le grand vainqueur. Mais certains faits sont à noter. En nombre de voix, avec 21 millions de suffrages, Erdoğan perd tout de même 400 000 voix depuis les élections générales de 2011 (mais en gagne 1,5 million par rapport à mars). Si c’est bien sûr remarquable de gagner dès le premier tour, le score d’Erdoğan est moins élevé que ce que prédisaient les sondages qui le créditaient de 55 à 60% des voix. Une victoire au premier tour lui permet de faire taire voire de se débarrasser des ses opposants au sein de son parti, à commencer par l’ancien président Gül. En revanche ce n’est pas la vague Erdoğan annoncée et dissoudre l’Assemblée pour espérer avoir 60% des sièges et réécrire la constitution semble hasardeux. Erdoğan devra donc se contenter de placer un fidèle, Ahmet Davutoğlu, ancien chef de la diplomatie, à la tête du gouvernement.
L’alliance CHP + MHP a été un très mauvais calcul puisque le candidat commun n’a récolté que 15,6 millions de voix (38,44%), soit beaucoup moins que les 19,5 millions que les deux partis avaient récoltés séparément en mars 2014 ou même les 16,8 millions de 2011.
Si le résultat de Demirtaş peut sembler modeste (4 millions de voix, 9,76%), c’est en fait un très grand succès et une très forte progression par rapport à mars (2 millions de voix, 4,51% pour le BDP et 0,9 million pour le HDP) ou à 2011 (2,8 millions de votes pour les indépendants mais qui n’étaient pas tous du BDP). Surtout, c’est la première fois qu’un candidat kurde perce à l’extérieur des régions du Kurdistan. A Istanbul, Demirtaş fait un score deux fois plus élevé qu’en mars et trois fois plus à Izmir. Et ceci n’affecte pas du tout ses résultats au Kurdistan, bien au contraire : à Diyarbakır par exemple, le score du BDP/HDP passe de 55% à 64% entre mars et août. Bien que certains éditorialistes aient cherché à minimiser ces résultats, de nombreux observateurs s’accordent pour dire que c’est un tournant dans la politique turque. D’ailleurs le CHP ne s’y trompe pas et concentre maintenant ses attaques médiatiques contre Demirtaş.
d) Le futur
Si la victoire électorale est indéniable, cela ne signifie pas que l’avenir d’Erdoğan soit simple. La situation diplomatique de la Turquie devient très compliquée avec des relations de plus en plus confuses avec tous ses voisins : arrêt total des négociations d’adhésion à l’UE, opposition à El Assad en Syrie, liens fluctuants avec le Kurdistan irakien, grande confusion autour des otages turcs (49 diplomates) récemment libérés par l’Etat Islamique, impasse des relations avec Israël, trafic d’or avec l’Iran, opposition à Poutine sur la question de la Crimée où vit une population turcophone tatare, etc. Il est trop tôt pour dire si la nomination de nouveaux ministres des Affaires étrangères et des Affaires européennes est le signe d’un changement de politique étrangère. Les relations vis-à-vis de l’Europe restent incertaines mais puisqu’Erdoğan est pragmatique et opportuniste, s’il voit qu’il a des chances de faire aboutir l’adhésion, il pourrait s’y atteler. Il a d’ailleurs déclaré vouloir une adhésion pour 2023 (centenaire de la République de Turquie).
A l’intérieur, la Turquie rencontre de nombreux problèmes à gérer les réfugiés syriens (près d’un million) : les camps sont pleins, et les rues d’Istanbul sont malheureusement remplies d’enfants mendiants venus de Syrie.
Par ailleurs, pris d’une folie constructrice, Erdoğan fait bâtir partout. Si certains équipements sont nécessaires (routes, canalisations, hôpitaux), il est clair qu’une bulle immobilière gonfle à toute allure en Turquie, menaçant l’économie du pays. Par ailleurs, les liens entre le milieu du BTP et la famille Erdoğan font craindre une corruption massive. La nature et le cadre de vie des Turcs font malheureusement les frais de cette soif de construction : de nombreux sites classés au patrimoine mondial de l’humanité sont menacés, l’ensemble de la faune et de la flore de la mer de Marmara voire de la mer Egée et de la mer Noire risquent la disparition[3], les approvisionnements en eaux des grandes villes sont incertains etc.
Concernant les formations politiques, de nombreuses tensions sont d’ores et déjà apparues au sein du CHP dont plusieurs cadres ont demandé la tête du secrétaire national. Ces tensions entre tenants d’une ligne moins nationaliste et laïciste et ceux très accrochés à la ligne historique ne sont pas nouvelles, et il n’est pas évident que les « rebelles » auront le courage de fonder un autre parti car le barrage à 10 % pourrait les éliminer totalement du jeu politique et donner leurs sièges au parti arrivé en tête (probablement l’AKP). L’histoire récente de la politique turque regorge malheureusement d’exemples.
Au sein de l’AKP, les voix discordantes qui gravitent autour de l’ancien président se taisent pour le moment, bien obligées d’accepter la victoire d’Erdoğan. Mais nombreux sont ceux qui n’apprécient pas son autoritarisme. Une fronde de palais pourrait avoir lieu le jour où Erdoğan tentera de modifier la constitution mais il est peu vraisemblable que l’AKP se scinde avant les élections générales de septembre 2015. En attendant, Erdoğan a placé ses fidèles au gouvernement. L’ancien chef de la diplomatie, Ahmet Davutoğlu, est le premier ministre d’un gouvernement presque identique au précédent avec seulement quatre entrants (et toujours une seule femme sur 26 ministres).
Pour le HDP, la question cruciale sera donc de savoir si la coalition va réussir à prospérer ensemble et surtout à aborder sur une liste commune les élections générales. En effet, avec 9,7 % des voix, le barrage national des 10 % ne semble plus infranchissable si la dynamique s’amplifie. Le pari est risqué mais permettrait aussi d’enclencher une nouvelle dynamique et d’attirer définitivement les déçus du CHP. C’est aussi une chance pour les autres composantes du HDP de s’implanter nationalement. Le futur de la Turquie semble relativement sombre et en même temps il y a de l’espoir car la société civile est très active comme l’a montré le mouvement de Gezi et une nouvelle offre politique crédible de gauche et écologiste se dessine.
2. Perspectives d’action écologiste
Dans cette configuration, le parti vert turc : Yeşiller ve Sol Gelecek partisi (YSGP, les verts et le parti de l’avenir de gauche) qui est né il y a deux ans de la fusion avec un parti de gauche très axé sur les droits des minorités (EDP, le parti de l’égalité et de la démocratie), a toutes les chances de devenir la composante non-ethnique du HDP, celle qui peut convaincre les électeurs non-kurdes de voter pour ce rassemblement. Les autres composantes du HDP, toutes communistes, risquent d’être des repoussoirs dans les milieux ruraux turcs très anti-communistes mais peuvent attirer des étudiants des grandes villes. EELV a les moyens de soutenir les écologistes turcs par divers moyens.
a) Visibilité médiatique
Le YSGP présente sa candidature pour devenir membre à part entière du Parti Vert Européen (et non plus observateur) lors du conseil du PVE qui aura lieu à Istanbul du 7 au 9 novembre[4]. Non seulement il est important que la délégation Française accepte cette candidature mais il serait aussi très bienvenu qu’EELV établisse plus de contacts avec le YSGP. Lors des événements de Gezi, les deux secrétaires nationaux des Grünen allemands s’étaient rendus à Istanbul aux côtés des Verts turcs et ils ont grandement contribué à la visibilité de YSGP en Turquie. A la même période, des élus verts irlandais et autrichiens sont également allés à Istanbul. Si des contacts existent entre YSGP, Esther Benbassa et Hélène Flautre, des contacts plus systématiques entre les deux partis pourraient être très bénéfiques médiatiquement pour le YSGP et montrer aux médias turcs que le parti appartient à un grand mouvement européen et n’est pas une officine marginale.
b) Au Parlement Européen
Les événements de Gezi puis les manifestations anti-corruption prouvent bien que la population turque aspire à plus de liberté, de démocratie. C’est pourquoi il est important de continuer à porter les demandes d’Hélène Flautre[5] concernant le dégel des chapitres 23 (Appareil judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (Justice, liberté et sécurité) et la poursuite des efforts sur le chapitre 27 (Environnement) des négociations d’adhésion à l’Union Européenne. Ces trois chapitres ne sont pas de ceux qui rendent l’adhésion irréversible et il devrait être possible de trouver une majorité pour lever les blocages grecs et chypriotes. Malheureusement, il n’y a plus de Vert français à la Délégation à la commission parlementaire mixte UE-Turquie.
Il est également important que les élu/es au Parlement Européen cherchent à bloquer les fonds de la Banque Européenne d’Investissement et la Banque Europénne pour la Reconstruction et le Développement allant vers des projets menaçant des sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO tels que le tunnel Avrasya. Il n’est pas acceptable que des fonds publics européens participent à la destruction du patrimoine turc et encore moins que cet argent serve à corrompre des fonctionnaires ou des élus.
c) En France
Les Verts turcs sont confrontés à de nombreux Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII), thème sur lequel EELV a acquis de nombreuses connaissances. Espérons que la délégation EELV qui se rendra en Turquie songera à établir des contacts pérennes. Il pourrait être intéressant de créer les conditions d’un transfert de compétences de ceux qui ont travaillé sur Notre-Dame-des-Landes par exemple. La région Hors de France contribue déjà à établir des liens entre les Verts norvégiens et turcs sur la question des centrales hydroélectriques.
Par ailleurs, dans de très nombreux GPII on retrouve souvent des entreprises françaises[6] et EELV pourrait donc intervenir directement auprès des ces compagnies. Suite à une campagne internationale menée par des ONG, Alstom et la Société Générale se sont retirés du projet de barrage à Ilisu. Ce type de succès doit être réitéré car en plus des questions environnementales, il y a malheureusement souvent aussi des affaires de corruption.
Concernant le génocide arménien, 2015 marquera la commémoration du centenaire des massacres. C’est un sujet sur lequel la Turquie évolue beaucoup en ce moment et il serait très positif qu’EELV essaye de donner de la visibilité à celles et ceux qui, en Turquie, travaillent sur la question : YSGP, fondation Hrant Dink, etc. De même, sur les problématiques ayant trait aux droits des minorités – Kurdes, Alévis, Lazes, etc. -, il serait pertinent de s’appuyer sur le travail du YSGP et du HDP et non pas uniquement sur les diasporas vivant en France. Il est en effet primordial que les écologistes montrent qu’ils œuvrent pour l’amélioration de la situation de tou/tes en Turquie.
Timur Delahaye, 26 septembre 2014
—
[1] Les régions d’Istanbul, d’Ankara et d’Izmir sont divisées en respectivement 3, 2 et 2 circonscriptions, pour empêcher les petits partis de récupérer trop de sièges.
[2] Fethullah Gülen, exilé aux Etats-Unis, est à la tête d’une fortune fondée sur un réseau d’écoles coraniques, d’écoles privées de cours du soir (passage obligatoire pour entre à l’université) et d’écoles turques à l’étranger. Pour des raisons peu claires, Erdoğan a décidé d’attaquer cet ancien allié en encadrant très fortement les écoles de cours du soir. Un portrait intéressant de Gülen est disponible en anglais ici.
[3] Voir l’article dans Nature, Sept. 2014 : http://www.nature.com/news/istanbulcanalneedsenvironmentalstudy1.15981
[4] http://europeangreens.eu/istanbul2014/
[5] http://www.greensefa.eu/de/manifestationsenturquie9974.html
[6] https://horsdefrance.eelv.fr/2013/08/26/grandsprojetsinutilesetimposesenturquie/