Deux accords scandaleux entre l’Union européenne et l’Amérique Latine
Partager

Par Catherine Grèze, eurodéputée EELV

Le 11 décembre, le Parlement européen a voté en faveur de l’accord d’association avec l’Amérique Centrale et de l’accord de libre échange avec la Colombie et le Pérou. Ces votes sont le triste aboutissement de longs mois d’opposition de ma part et du groupe des Verts à ces accords qui font à nouveau primer les intérêts des grandes multinationales européennes sur le développement « endogène » de l’Amérique Latine et le bien être des populations locales.

Deux types d’accord

Un accord d’association contient trois piliers : le dialogue politique, la coopération et le commerce. Premier accord du genre signé avec des pays hors du continent européen, l’accord d’association avec l’Amérique Centrale « associera » les pays membres de l’Union européenne et le Costa Rica, le Salvador, le Guatemala, le Honduras, le Nicaragua et le Panama. Signé entre deux blocs régionaux, l’accord est notamment censé œuvrer pour l’intégration régionale en Amérique Centrale.

Concrètement cependant, l’accord ne garde « d’association » que le nom et réduit l’intégration régionale à une union douanière. Le pilier commerce est prépondérant et permettra d’abaisser toutes les barrières douanières entre les deux pays (notamment sur des secteurs clés tels que les biens manufacturés, la pêche ou encore l’agriculture) et de favoriser l’accès aux marchés publics.

L’accord de libre échange avec la Colombie et le Pérou est moins ambitieux puisqu’il ne porte que sur le commerce, selon les mêmes modalités que l’accord avec l’Amérique Centrale. Initialement, il devait lui aussi être un accord d’association avec la communauté andine des nations. Suite aux refus équatoriens et boliviens, l’Union a choisi de continuer les négociations sur le chapitre commercial avec les deux pays restants…

Des accords aux conséquences dramatiques

Ces accords seront particulièrement bénéfiques aux entreprises européennes En effet,  ils leur donneront accès aux secteurs clé que sont les télécommunications, l’eau, l’énergie ou encore les marchés publics.

Ils ouvrent aussi la porte aux grands projets d’extraction minière aux conséquences désastreuses pour les populations locales, l’environnement et à l’origine d’innombrables conflits sociaux.

Les accords seront en revanche une véritable catastrophe pour l’agriculture et favoriseront les cultures d’exportation (café, banane, sucre) au détriment des cultures vivrières.

De même, les accords réduiront la marge de manœuvre politique des pays latino-américains pour élaborer leur propre stratégie de développement ou pour définir des mesures concrètes en vue d’assurer que l’investissement bénéficie aux pauvres et aux plus vulnérables.

Pas de prise en compte des droits !

Par ailleurs, ces accords ne prennent pas assez en compte les situations locales. En Colombie, 90% des crimes contre les défenseurs des droits de l’homme sont impunis tandis qu’au Pérou, on estime à plus de 250 les conflits environnementaux, le plus souvent liés à l’extraction minière. Au Guatemala, les droits des populations indigènes sont historiquement bafoués tandis qu’au Honduras, les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes sont régulièrement persécutés, voire tués, depuis le coup d’Etat de 2009.

A cela, les accords ne répondent rien.

L’accord avec l’Amérique Centrale contient certes une clause sur les droits de l’homme mais elle est caricaturale car non contraignante ! Il n’y a pas non plus d’obligation de consultation des peuples autochtones, comme le demande la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail, ni mention de la responsabilité sociale des entreprises.

Les choses sont encore pires pour la Colombie et le Pérou. Malgré ces situations critiques et l’opposition de l’ensemble de la société civile et des syndicats, l’accord de libre échange ne se soucie ni des droits de l’homme ni des droits du travail et encore moins de l’environnement.

En juin dernier et face à ce constat, le Parlement européen a demandé aux deux pays d’élaborer unilatéralement des feuilles de route pour un meilleur respect des droits. Celles ci ne sont cependant que de la poudre aux yeux puisque non contraignantes. Par ailleurs, elles ne sont qu’une énumération des politiques publiques en vigueur dont on sait qu’elles n’ont pas mené à des améliorations notables.

En tant que rapporteure de l’avis de la commission du Développement sur l’accord avec l’Amérique Centrale, j’ai appelé mes collègues à voter contre cet accord. Mise en minorité, j’ai fait le choix de retirer mon nom du rapport en signe de protestation.

Le Parlement européen vient donc là de voter en faveur d’accords scandaleux. Que valent les discours officiels sur les droits de l’homme, la démocratie ou encore la primauté du droit quand on en fait fi, au nom d’intérêts économiques soit disant supérieurs ?

De bons accords existent pourtant. L’Union européenne vient de le prouver avec l’Accord de Pêche avec la Mauritanie. Celui ci prend réellement en compte des préoccupations environnementales et de développement et a été salué par la société civile. A bon entendeur !