François Hollande et les affaires étrangères: un an sans assez de changement
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Un changement de style et de méthode incontestable par rapport à son prédécesseur Nicolas Sarkozy, des avancées positives en cours et de belles prises de parole, mais une vision d’ensemble peu claire sur les grands enjeux internationaux et sur le rôle de la France au plan international.

Sur les trois dossiers sur lesquels François Hollande s’est le plus investi, le Mali, la Syrie et l’Europe, il est possible de voir les nouvelles orientations par rapport au gouvernement précédent et incontestablement un changement dans la méthode.

Là où la continuité est la plus perceptible, c’est concernant la diplomatie économique que Nicolas Sarkozy avait fortement initiée. Aujourd’hui, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius approfondit cette politique difficilement conciliable avec les principes de l’écologie politique dans les relations internationales. Pour EELV, le pragmatisme économique prioritaire s’accommode mal avec le message que la France devrait porter : celui de la défense des droits humains, de la valorisation du droit international dans la relation entre les nations et de la transition écologique à l’échelle mondiale.

Bref, un bilan contrasté entre un vrai « changement » dans la forme et des conservatismes dans le fond.

Pour le positif, bien entendu, la nomination de l’écologiste Pascal Canfin comme Ministre délégué au développement, afin notamment d’en finir avec la « coopération » synonyme de Françafrique et de réseaux parallèles tout au long de la Ve République:

Pour le bilan de Pascal Canfin, voir sur son site :

http://www.pascalcanfin.fr/mes-realisations/

A son arrivée au pouvoir, en mai 2012, François Hollande était attendu au tournant en matière de politique étrangère car le sujet avait été peu traité au cours de sa campagne électorale. Tout au long de celle-ci, le camp de Nicolas Sarkozy n’avait eu de cesse de lui faire un procès en amateurisme, soulignant le manque d’expérience à l’international du candidat Hollande.

Or, un an après, aux yeux de l’opinion et de la majorité de la classe politique, c’est sans doute sur l’international que beaucoup reconnaissent au Président de la République un certain succès et un bilan plutôt positif. Cela est dû en grande partie à la « réussite » de l’opération Serval au Mali.

Le Mali comme affirmation d’un volontarisme présidentiel

Environ quatre mois après le lancement de l’opération Serval, toutes celles et ceux qui prédisaient un enlisement à l’afghane doivent reconnaître que les forces françaises, officiellement en appui de l’armée malienne, ont réussi à repousser les djihadistes d’Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique), d’Ansar Dine et du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) des principales villes du nord du Mali. Cependant, ces groupes armés ont été considérablement affaiblis mais sont loin d’être totalement dissous et l’ensemble du pays n’est pas sécurisé. Certains terroristes se sont réfugiés en Libye et dans d’autres pays limitrophes, tandis que d’autres se fondent dans la population malienne, rendant extrêmement difficile leur identification. La fin de l’intervention militaire n’est pas la fin de la « guerre ». Résultat, beaucoup craignent aujourd’hui un retour des « islamistes » dès que les troupes françaises seront parties. Le récent attentat suicide à Gao, de même que les représailles terroristes contre les intérêts français (comme l’attentat de l’ambassade de France en Libye) montrent que la stabilité du pays n’est pas acquise.

Concernant le bilan humain de cette opération, la mort de six soldats français est à déplorer, contre celle d’au moins 600 djihadistes. Plus de 200 soldats maliens et au moins une centaine de soldats tchadiens ont également péri dans les opérations, sans parler de la population civile, pour laquelle peu d’informations circulent. Les blessés maliens, civils et militaires, sont nombreux et le manque de soins a été dénoncé par des ONG. Les réfugiés ne sont pas encore rentrés chez eux et leurs besoins restent très importants. Comme tout action militaire, l’intervention française est source sur le terrain de destructions et de dégâts des routes et des infrastructures, surtout dans la région du nord. Le bilan écologique reste à faire et la reconstruction est à envisager. De même que le déminage de larges zones du Sahel, où un soldat français a perdu la vie à cause d’un engin explosif trouvé sur une route proche de l’Algérie.

Une critique à émettre concerne le manque de transparence dans l’information et les difficultés qu’ont rencontrées les journalistes pour parvenir à couvrir la réalité des combats entre l’armée française et l’armée malienne contre les groupes rebelles. Et toute guerre « silencieuse », se déroulant loin des caméras, porte en elle le risque de dérapages et d’exactions, ce que soulignait dans un rapport de février 2013 Amnesty International après trois semaines de combats ainsi que les informations données plus récemment par Human Rights Watch.

Concernant le calendrier, François Hollande a annoncé en avril le retrait des cents premiers soldats français, sur les quatre mille présents. Deux mille autres devrait suivre d’ici la fin août. A la fin de l’année, il ne devrait plus rester que mille soldats français, réunis au sein d’une force de stabilisation de l’ONU, la Minusma (Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali). En attendant, la prépondérance des forces tchadiennes questionne le paradoxe de vouloir rétablir une démocratie au Mali en relégitimant le régime si peu démocratique du Tchad.

L’initiative de la France a réussi davantage a posteriori, obtenant rapidement de la part des Nations Unies le déploiement de la Minusma.

De nombreuses interrogations se posent face à la volonté française de vouloir coûte que coûte organiser des élections nationales en juillet 2013, calendrier semblant intenable à l’heure actuelle pour de nombreux acteurs de la politique et de la société civile malienne, y compris parmi les Touaregs, ainsi que pour de nombreux observateurs.

Car la restauration de l’intégrité territoriale du Mali n’est pas du tout acquise, notamment dans la ville de Kidal. Le très grand nombre de réfugiés à l’étranger pose également la question non résolue du recensement pour ces élections. La faiblesse du pouvoir politique malien et de son armée suscite des inquiétudes concernant la suite du processus de reconstruction de l’Etat malien. Nombre d’associations et de partis politiques maliens pointent le risque d’élections formelles remettant le pouvoir au même personnel politique discrédité.

Au final, si François Hollande a pu se doter d’une image de Président volontariste avec cette opération au Mali, de nombreuses questions restent en suspens quant à l’avenir du pays et de son processus de reconstruction institutionnelle. Les moyens mis à disposition en termes de projets de développement, pour une fois bien réels, sont tout de même encore assez faibles (la France 280 millions d’euros, l’Europe 525 millions). Les besoins pour un développement qui puisse contribuer à la paix dans le Nord et même dans le Sud sont immenses et les effets ne se verront pas de suite. Sans parler du retour possible de certains réflexes « françafricains » de la part de firmes françaises concernant les importantes ressources naturelles de la zone et les « marchés » que va ouvrir la nécessaire reconstruction. Le véritable changement consistera à favoriser autant que faire se peut la prise en charge locale de ce vaste chantier, pour un véritable développement endogène et écologique (ce à quoi s’emploie le ministère du Développement), seul à même d’empêcher de nouveaux conflits.

Une Françafrique réellement terminée?

Sur le volet de la Françafrique justement, alors que des actes forts ont été accomplis en début de mandat, dont le fameux discours de Dakar du Président Hollande le 12 octobre 2012 (« Le temps de la Françafrique est révolu« ), on a pu malheureusement observer suite à l’intervention au Mali un certain infléchissement dans les principes et un rapprochement avec des chefs d’Etat absolument infréquentables, ce au motif d’un besoin de soutien pour l’opération malienne, comme le président dictateur du Tchad Idriss Déby. La France avait notamment besoin des soldats tchadiens et de leur expérience des milieux désertiques pour la réussite de l’opération Serval. François Hollande a également reçu deux chefs d’Etat symboles de la Françafrique et poursuivis par la justice française dans le cadre de l’affaire des biens mal acquis : le président du Gabon Ali Bongo et celui du Congo Denis Sassou Nguesso. En octobre 2012, le Président de la République a par ailleurs assisté au sommet de la Francophonie à Kinshasa dans un contexte post-électoral tendu et sur fond de critiques quant à la situation des droits de l’homme en République Démocratique du Congo. Il a également reçu trois fois le président ivoirien Alassane Ouattara, deux fois le Sénégalais Macky Sall ou encore Thomas Boni Yayi, président du Bénin, marquant une volonté d’implication très forte en Afrique. Au positif donc, des relations apaisées et normalisées, avec la disparition de la « cellule Afrique » de l’Elysée et des intermédiaires véreux, marquant une rupture avec le précédent quinquennat, lorsque Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée, grillait la politesse au Ministre des Affaires étrangères de l’époque Bernard Kouchner pour négocier directement à l’étranger en toute opacité et en dehors du processus démocratique. Au négatif, la continuation de liens avec des chefs d’Etat infréquentables sans véritable discours structurant de rupture et de dénonciation sur la situation des droits humains catastrophiques dans certains Etats africains partenaires historiques de la France.

Pour expliquer ce bilan africain en demi-teinte, François hollande s’est sans doute retrouvé les mains liées par l’opération militaire au Mali. Le besoin de soldats de tous les pays d’Afrique francophone pour appuyer et succéder au contingent français au Mali a obligé Paris à des concessions vis-à-vis de régimes autoritaires qui ont mis des conditions à leur coopération militaire. EELV veut croire qu’une telle compromission aurait pu être évitée et que l’intervention au nom du rétablissement de la démocratie au Mali aurait pu générer une exigence de démocratie également dans les autres pays d’Afrique francophone. En effet, au Gabon, au Togo, à Djibouti, opposition politique et société civile conjuguent aujourd’hui leurs efforts pour représenter des alternatives crédibles aux pouvoirs dynastiques en place depuis des décennies. C’est à ces forces vives qu’il faut garantir des élections crédibles, c’est avec elles qu’il faut construire l’avenir des relations franco-africaines. Il est encore possible de le faire, d’autant qu’aucune d’entre elles n’a exprimé son opposition à l’intervention française au Mali. L’argumentaire « malien » sur la nécessité de renforcer la démocratie et les droits humains aurait été par exemple bienvenu concernant le Togo ou les élections législatives tronquées à Djibouti. Beaucoup d’ONG de solidarité internationale sont ainsi déçues de cette première année concernant nos liens avec le continent africain.Au crédit de François Hollande toutefois, sachons saluer le discours historique qu’il a tenu devant le Parlement algérien le 20 décembre 2012, discours dans lequel le Président français a qualifié le système colonial instauré en Algérie par la France comme « profondément injuste et brutal ». Il y a reconnu les « souffrances » du peuple algérien, citant notamment « les massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata » qui « demeurent ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens ». Ce fut un moment où la République française a enfin reconnu sa responsabilité historique vis-à-vis des heures sombres de son histoire. Les cris d’orfraie poussés alors par les représentants de la droite française la plus réactionnaire et les derniers défenseurs de l’Algérie française constituaient un bon indicateur de la justesse des mots choisis par le Président Hollande.

Promesse tenue sur l’Afghanistan

François Hollande a accéléré le retrait des 4 000 soldats français en Afghanistan, comme il s’y était engagé pendant la campagne. 2000 soldats ont d’ores et déjà quitté le pays depuis juin 2012, et se sont notamment retirés de la région de Kapisa, dans l’est du pays, là où 54 militaires ont péri dans des attaques menées par les talibans. Depuis le début des opérations en Afghanistan en 2001, 88 soldats français sont morts. Il reste encore environ 1 400 soldats mobilisés à Kaboul pour assurer la formation de l’armée et de la police afghanes. Au delà de cet engagement tenu du Président de la République, la situation globale du pays est catastrophique. Hormis dans les centres urbains plus ou moins sécurisés, l’Otan a échoué à vaincre l’insurrection, et pire, face à un gouvernement afghan considéré comme corrompu et illégitime, les talibans risquent de reprendre le pouvoir après le départ des troupes occidentales.

Au final, cette guerre de plus de douze années risque d’avoir été menée pour rien et le gouvernement actuel ne peut pas s’épargner de faire un bilan politique de cette intervention menée au nom de la lutte contre le « terrorisme » et de revoir la stratégie militaire et politique menée par l’Otan.

Palestine : une reconnaissance très attendue à l’ONU mais une politique française incohérente

« Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’État palestinien« . C’était la proposition n° 59 du candidat Hollande. Le président français a tenu parole en novembre dernier en votant pour l’admission de la Palestine à l’Assemblée générale de l’ONU en tant qu’État non membre.

Mais même si l’État palestinien a été reconnu comme Etat à l’ONU par 138 Etats, sur le terrain, la colonisation israélienne s’est accélérée, Tel-Aviv ayant fait part d’un projet de construction de 3 000 logements supplémentaires en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Près de 350 000 colons sont d’ores et déjà en Cisjordanie. La proposition n° 59 du candidat Hollande disait également vouloir prendre des « initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine« . Ce vœu pieu est resté lettre morte. Le gouvernement français continue à laisser Israël passer outre le droit international et toutes les résolutions onusiennes. C’est dans la continuité de la politique française depuis des années.

Pire, en novembre 2012, lorsqu’il a reçu le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, François Hollande a fait preuve d’un soutien à la politique israélienne malgré l’absence de volonté de paix de la part de ce faucon historique.

La France n’a pris aucune initiative au niveau européen et n’est pour le moment pas suffisamment à l’initiative pour relancer le processus de paix dans la région, processus totalement bloqué depuis des années. Le Président français aurait pourtant tout à y gagner. La résolution de ce conflit israélo-palestinien est primordial pour la paix dans le monde et la crédibilité occidentale vis-à-vis des peuples de la région. Là encore, des pas en avant suivis de reculs dommageables pour réussir à incarner le changement. Sur ce dossier, le manque de fermeté dans les convictions apparaît au grand jour. Les écologistes, favorables à la reconnaissance de la Palestine à l’ONU, attendent surtout une reconnaissance de la part de la France de l’Etat de Palestine. Ils attendent aussi une action française au sein de l’UE afin que l’accord d’association avec Israël soit suspendu tant que ce dernier ne respecte pas les clauses de l’accord lui-même et le droit international en général. Ils attendent enfin que le vote de la résolution à l’ONU soit suivi d’effets et que cesse l’impunité totale dont jouit actuellement Israël dans le monde.

Aveu d’impuissance en Syrie

François Hollande a tenté dès le début de son mandat d’être en pointe sur le dossier syrien, accusé par Nicolas Sarkozy d’immobilisme en comparaison de l’action de ce dernier en Libye (lorsque l’on voit les derniers soubresauts des enquêtes judiciaires concernant les liens de la Sarkozie avec l’ancien régime de Kadhafi, cela peut légitimement faire sourire). La France a ainsi été parmi les premiers pays occidentaux à financer une aide humanitaire en direction des comités révolutionnaires locaux et la première à reconnaître la Coalition nationale syrienne comme représentant du peuple syrien.

Par la suite, en accord avec le Royaume-Uni, la France a déclaré vouloir livrer unilatéralement des armes à l’opposition syrienne, mais Londres et Paris ont finalement renoncé face à l’absence de totale de consensus au sein de l’Union européenne.

Sur la question des armes chimiques, François Hollande, comme le président américain Barack Obama, avait dès le mois d’août prévenu que l’utilisation d’un tel arsenal par Damas constituerait une « cause légitime d’intervention directe« . Or le régime de Bachar Al Assad semble bien aujourd’hui s’être servi d’armes chimiques contre son peuple et la communauté internationale ne réagit toujours pas fermement. Même si la France a fait preuve dans sa parole d’un certain courage politique, ce que nous enseigne le dossier syrien, c’est surtout la perte d’influence de Paris sur la région. Pour les écologistes prônant une véritable diplomatie européenne forte, le plus déplorable dans le dossier syrien est l’absence totale de vue et de volonté politique unifiée de l’Union européenne, et en particulier de sa Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères, Catherine Ashton. Il est dommageable que le Président de la République française n’ait pas souligné la nécessité d’une approche européenne ferme et unifiée sur le conflit syrien.

Une diplomatie économique française dans la droite ligne des prédécesseurs de François Hollande

La France a rappelé à l’ONU le 15 février 2013 son soutien au «renforcement d’une gouvernance mondiale du développement durable et de l’environnement», objectif de la conférence de Rio de juin 2012.

Or les déplacements de François Hollande en Inde en février 2013 et en Chine en avril 2013 ont été uniquement axés sur les relations économiques, avec notamment des pré-contrats concernant de futures centrales nucléaires, en contradiction totale avec ces beaux objectifs. Un projet de centrale nucléaire en Inde (à Jaitapur) est particulièrement problématique, situé sur une faille sismique très instable (des manifestations de populations locales ont, d’ailleurs, été violemment réprimées). Quant à la Chine, son système étatique autoritaire ne devrait pas pouvoir bénéficier de la technologie nucléaire française, surtout de façon inconditionnelle. Lorsque l’on sait quel cas les autorités chinoises font des normes de sécurité dans d’autres secteurs, on peut être très inquiets pour l’avenir. La catastrophe de Fukushima n’a visiblement pas servi de leçon aux autorités françaises. Les récentes visites au Qatar et en Arabie Saoudite ont amplifié l’inquiétude devant la priorité affichée d’objectifs commerciaux au risque d’affaiblir le débat diplomatique pourtant crucial étant données la situation régionale et l’implication de ces pays.

Quelques avancées sont toutefois à noter concernant la gouvernance internationale, le représentant français à l’ONU ayant exprimé en avril dernier la volonté de Paris de réformer le Conseil de sécurité en donnant le statut de membre permanent à l’Allemagne, au Brésil, à l’Inde et au Japon, ainsi qu’à un pays africain.

Le plus grave semble finalement être la stratégie de Laurent Fabius, à la recherche de « relais de croissance » de la France partout sur la planète, dans un contexte économique national plus que déprimé. Le Ministre des Affaires étrangères a notamment modifié les termes de « coopération décentralisée » pour ceux d »action extérieure des collectivités locales« , dans une optique essentiellement économique. Les écologistes, souvent qualifiés de « doux rêveurs », se battent eux depuis des décennies pour que les droits humains priment sur les droits de l’homme d’affaire et que la realpolitik soit soumise à des principes vertueux tels que le respect des droits de l’homme, des normes démocratiques, de l’environnement et pour que les entreprises françaises à l’étranger respectent les règles internationales sociales et environnementales dans l’exploitation des ressources naturelles ou la production industrielle, pour un développement autonome et durable.

L’action de Pascal Canfin au développement, aussi positive soit-elle, pour notamment orienter l’aide publique au développement vers de réels projets économiques et sociaux durables pour et avec les populations locales, risque ainsi de se retrouver en contradiction avec une action diplomatique française uniquement tournée vers les résultats économiques et la signature de contrats à faible conditionnalité, selon une approche très néolibérale.

La majorité socialiste ne semble guère prendre en compte l’urgence écologique dans sa gestion des affaires étrangères. A l’heure où la raréfaction des ressources entraîne une course effrénée des industries extractives, amplifiant un peu plus le réchauffement climatique, la déforestation, la destruction de la biodiversité, et l’exploitation des populations, partout dans le monde et particulièrement en Afrique et en Amérique latine, on pourrait espérer que cela soit pris systématiquement en compte dans les accords commerciaux. Ce n’est guère le cas. Et si un groupe parlementaire s’est constitué sur la RSE (Responsabilité sociale des entreprises) à l’assemblée nationale à l’initiative d’une députée écologiste, il n’est pas certain que celui-ci parvienne à faire voter une loi.

Au final, ce qui est certain, c’est qu’il y a unvéritable changement de style entre un François Hollande apaisé, respectueux de ses interlocuteurs, qui tranche avec le style précipité, voire parfois agressif du président précédent, comportement qui avait notamment indisposé les autorités chinoises à plusieurs reprises.

Mais en dehors de la forme, nous pouvions nous attendre, de la part d’un Président de gauche élu sur l’idée de « changement », à une politique internationale cohérente, où les engagements soient suivis d’effets, les déclarations d’actes, et dans laquelle les alliances avec les puissances émergentes ou pétrolières ne soient pas seulement régies par un pragmatisme intéressé.

L’absence d’une véritable vision, tenant compte du monde multipolaire et complexe, de la revendication des peuples partout dans le monde à une autre redistribution des richesses, et à la liberté et la démocratie, aurait marqué le changement de doctrine.

De la même manière, avec la continuité dans la stratégie de défense qui est à maints égards l’adoption non critique de la vision américaine de la sécurité mondiale, le gouvernement actuel montre sa difficulté à penser les questions militaires et sécuritaires de la France dans un cadre européen et autonome.

Cependant, la France reste encore un espoir pour porter haut et fort ses valeurs des droits de l’Homme et de paix en Europe et dans le monde.

Comme écologistes, nous nous retrouvons un peu en porte à faux entre un ministre délégué issu de nos rangs qui tente de faire bouger les lignes sur le sujet fondamental des nouveaux rapports Nord –Sud et Sud-Sud, et qui mérite tout notre soutien, et une politique internationale du court terme en contradiction assez flagrante avec les valeurs et le programme que nous portons. Cette tension, inhérente à une participation gouvernementale minoritaire, porte en soi réussites et échecs. Si elle n’est donc pas évidente à expliquer aux militants écologistes, assez critiques sur l’action internationale de l’actuelle majorité, il faudra lors de la conférence de bilan d’EELV de l’été prochain en peser les avantages. Un anniversaire sans bougie donc, tout en conservant pour les écologistes la volonté de peser davantage pour amplifier le changement prôné pendant la campagne présidentielle, que la majorité actuelle ne brise pas toutes ses promesses sur le mur de la realpolitik et du droit des affaires, resté malheureusement prioritaire en ces temps de grave crise économique.

Commission Transnationale d’EELV, mai 2013