Quelle place pour l’écologie dans l’élection présidentielle américaine ?
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Alors que la campagne électorale bat son plein, la commission transnationale d’EELV a décidé de s’intéresser à la place de l’environnement dans les programmes des deux principaux candidats. Le constat est plutôt amer…

L’environnement, une problématique absente de la campagne au profit de l’énergie

Sur les sites web des deux principaux candidats, aucune section dédiée à l’environnement en tant que problématique à part entière. Il est vrai que les sondages démontrent qu’il s’agit d’une des dernières préoccupations des Américains. Selon une estimation Gallup effectuée début septembre, l’économie et en particulier le chômage demeure la première préoccupation des Américains loin devant toutes les autres. La santé ne recueille que 10% des suffrages lorsque l’on demande aux Américains quels sont selon eux les problèmes les plus graves auxquels doit faire face l’Amérique. L’environnement et la pollution, 2%, l’énergie et l’épuisement des ressources énergétiques, 1%… Certes, l’effet pervers de ce type de sondage est d’écarter toute approche globale au profit d’une segmentation des enjeux, alors que par exemple la santé de l’économie américaine est, plus qu’aucune autre, liée au coût de l’énergie. Mais il démontre malgré tout le peu de cas réservé par la grande majorité des Américains aux problématiques écologiques.

L’énergie est finalement la seule problématique environnementale faisant l’objet d’une section dédiée sur les sites de Barack Obama et de Mitt Romney. Chacun s’érige comme garant de l’indépendance énergétique nationale, mais les moyens revendiqués pour y parvenir diffèrent sensiblement. Pas question ici d’aborder la sobriété énergétique, thème rédhibitoire dans le contexte de l’élection américain, celle-ci se déroulant sur fond de théorie du déclin. Rappelons de plus que George Bush père avait déclaré en 1992 lors de la conférence de Kyoto que le mode de vie des américains était non négociable.

Mitt Romney : « Drill baby drill ! »1

Côté républicain, l’accent est mis sur l’optimisation des ressources dont dispose l’Amérique sur son propre sol pour en faire une « superpuissance énergétique » et réduire la dépendance au pétrole du Moyen-Orient. Par optimisation, il faut comprendre l’ouverture de nouvelles zones de forage dans des régions bénéficiant d’un statut sanctuarisée, tel l’Arctic National Wildlife Refuge (ANWR) en Alaska, ainsi qu’au large des côtes de Virginie, de Caroline du Nord et de Caroline du Sud. Les Républicains font fi des conséquences de la marée noire engendrée par la plateforme Deepwater Horizon pendant l’été 2010. Ils fustigent d’ailleurs le moratoire sur le forage dans le golfe du Mexique qu’imposa Obama suite à la catastrophe et lui reproche également de s’opposer au mégaprojet Keystone XL, un pipeline géant censé approvisionner les États-Unis en sables bitumineux dilués canadiens. Par ailleurs, les critiques pleuvent sur les énergies vertes, qu’Obama a cherché à développer pendant son mandat, celles-ci étant à leurs yeux un investissement en pure perte, tant en termes d’indépendance énergétique qu’en termes d’emplois créés. Au final, le plan de Romney ressemble plus à une ode au marché et aux multinationales qu’à une véritable stratégie, tant celui-ci prône la dérégulation et le laissez-faire économique.

Obama : une stratégie énergétique dans la continuité de son premier mandat

Les démocrates ne manquent pas de dénoncer le penchant républicain en faveur des supermajors : pour eux, la stratégie énergétique de Mitt Romney a été écrite par les grandes compagnies pétrolières pour les grandes compagnies pétrolières. À l’inverse, l’actuel président revendique un mix énergétique davantage diversifié. Il ne se prive pas de rappeler que sous son administration, le pays a doublé sa production d’énergie d’origine éolienne et solaire. Il avait d’ailleurs fait de l’investissement dans l’énergie propre l’un des grands axes de son plan de relance de l’économie américaine de 2009, avec un investissement estimé à 85 milliards de dollars sur l’ensemble de son mandat. Il y a quelques semaines, il a su imposer de nouvelles normes d’efficacité énergétique pour le marché automobile américain en fixant une moyenne de 23 km par litre d’essence consommé en 2025

Mais si Obama met en avant son bilan normatif et ses investissements en matière d’énergies renouvelable, paradoxalement il se vante également d’avoir été le président de l’augmentation de la production d’hydrocarbures sur le sol américain. La production est en effet repartie à la hausse en 2009 après des décennies de baisse. Cette tendance s’explique par l’essor considérable qu’a connu l’exploitation des gaz et pétrole de schiste ces dernières années. Lors de son discours sur l’état de l’Union en juillet dernier, Barack Obama déclarait ainsi :

« Nous avons presque 100 ans de réserves de gaz naturel et mon administration va tout faire ce qui est possible pour développer cette énergie de façon sûre ».

De plus, le 44ème président des États-Unis est un fervent partisan du nucléaire. Il s’était fixé l’objectif de relancer la construction de centrales, mais un moratoire post-Fukushima imposé par le Congrès en mars 2011 l’en a empêché de justesse.

À la lumière de ces observations, force est de constater que le bilan environnemental de Barack Obama est pour le moins ambivalent. Mais cette ambivalence se comprend mieux en rappelant que ce sont avant tout les thèmes de l’indépendance et de la sécurité de l’approvisionnement qui domine le débat sur la politique énergétique des États-Unis, davantage que son impact sur l’environnement. À titre informatif le dernier article sur l’environnement publié sur le site du parti démocrate date du 22 avril dernier…

Lucas Manetti, commission Transnationale

1 La phrase anglaise « Drill, baby, drill! », qui peut être traduite en français par « Fore, chéri, fore ! », est un slogan de campagne du parti républicain pendant l’élection présidentielle de 2008 aux États-Unis. Ce slogan exprime le soutien de ce parti à l’intensification des forages pétroliers en vue d’augmenter les ressources en énergie. Source : Wikipédia